« Le gouvernement s'est pris les pieds dans le tapis » (L'ALSACE, DNA / JEUDI 9 JANVIER 2020)

Publié le 09/01/2020

Questions à Laurent Berger, Secrétaire Général de la CFDT

Vous ne serez pas dans les manifestations de ce jeudi alors que vous y étiez le 17 décembre. Qu'est-ce qui a changé ?

Des discussions sont engagées, et nous ne portons pas les mêmes revendications que les organisations syndicales qui veulent le retrait de la réforme. Nous voulons son amélioration et qu'elle soit délestée de l'âge pivot qui est pour nous une verrue.

Pourquoi refuser l'âge pivot alors que l'allongement de durée de cotisation repousse mécaniquement l'âge de départ ?

Quelqu'un qui a l'âge légal, 62 ans, et qui a cotisé la durée nécessaire pour avoir une retraite à taux plein, doit pouvoir partir. Là, on va lui imposer un malus pour le restant de sa retraite. On ne peut pas faire peser sur lui le déséquilibre du système. L'âge pivot à 64 ans est injuste car il concerne les salariés qui ont commencé à travailler jeune et qui ne sont pas forcément les plus favorisés.

Édouard Philippe organise une conférence de financement. C'est la porte de sortie pour un compromis rapide ?

Il faudrait être fou pour ne pas noter une ouverture. Mais cette ouverture doit se traduire dans les actes. Elle le sera si l'âge pivot est retiré du projet de loi et s'il y a des avancées sur les 4 sujets qui nous importent : la pénibilité, les retraites progressives, le minimum contributif et les transitions entre les différents systèmes.

Nous sommes à 36 jours de conflit. Comment en est-on arrivé là ?

Le gouvernement s'est pris les pieds dans le tapis avec l'absence de discours clair et l'incapacité de donner du sens à un système universel, pourtant attendu par les Français. De plus, nous sommes dans un pays avec une logique d'affrontement entre les organisations syndicales contre la réforme qui sont dans une sorte d'opposition politique au pouvoir, et un gouvernement qui voulait montrer qu'il pouvait s'imposer dans l'adversité. Nous ne voulons pas de cette logique binaire. Il faut maintenant construire le compromis.

Comment ?

C'est dans les mains du gouvernement. Dans la conférence de financement, on peut discuter de tout sur l'équilibre des comptes, mais à condition qu'il n'y ait pas un point privilégié. On doit pouvoir parler de l'utilisation des réserves et de l'emploi des seniors. Quand on constate que la moitié de la population arrivant à la retraite n'est pas en emploi, la responsabilité patronale est également posée. J'en appelle au gouvernement à aller vite pour le retrait de l'âge pivot du projet actuel.

Après les conflits de 1995 et de 2003, vous avez subi de nombreux départs. Comment réagit votre base ?

On ne peut pas être dictés par la peur. Je suis très attentif à la façon dont les militants vivent les choses. Je n'ai pas de crainte car notre démarche est cohérente. Il n'y a pas de volonté de brutaliser l'organisation. Il y a de la nuance et du débat mais une profonde cohérence interne.

Comment expliquez-vous les fractures dans la société ?

Les inégalités pèsent beaucoup dans cette fracturation de la société. La quête de sens est très forte. Les gens ne savent pas où l'on va et les tendances complotistes n'arrangent rien.

La démocratie est précieuse .../... On doit pouvoir se parler sans violence, verbale ou physique.

Ceux qui insultent la CFDT et ses militants ne font que renforcer notre détermination à assumer une place singulière dans le paysage syndical français. Celle d'une quête de transformation sociale basée sur la justice et la responsabilité.