Anxiété des mineurs : l'heure de vérité à Douai (Le Républicain Lorrain / JEUDI 20 Février 2020)

Publié le 20/02/2020

La cour d'appel de Douai examinera les demandes de reconnaissance du préjudice d'anxiété de 730 anciens des HBL de Moselle-Est le 9 septembre prochain. Les plaignants sont confiants. Surtout depuis que la Cour de Cassation a rédigé des attendus favorables aux gueules noires.

Le 9 septembre prochain, ce sera peut-être l'épilogue d'un long marathon judiciaire. Après un combat de près de sept ans, les anciens mineurs lorrains espèrent enfin obtenir gain de cause concernant la reconnaissance de leur préjudice d'anxiété. Ce jour-là, 730 retraités des Houillères du Bassin de Lorraine auront les yeux et les oreilles tournés vers Douai où la chambre sociale de la cour d'appel examinera leur demande.

Le droit à indemnisation confirmé

Leur objectif : décrocher une reconnaissance officielle et définitive de leurs expositions à de très nombreux produits cancérogènes au travail, au fond de la mine comme au jour. Mais surtout faire reconnaître que ces expositions découlent « des fautes et des infractions de la direction de Charbonnage de France » et qu'elles entraînent de nombreuses maladies professionnelles et donc une forte anxiété.

Une procédure à multiples rebondissements

Après de multiples rebondissements, cette procédure semble sourire aux gueules noires .../... la Cour de Cassation a confirmé le droit des mineurs à être indemnisés, en cassant un arrêt défavorable de la cour d'appel de Metz.

« La Haute Cour a reconnu que tous les salariés et anciens salariés exposés à des produits toxiques peuvent demander la reconnaissance de leur préjudice d'anxiété », complète François Dosso.

Pour ce permanent CFDT, spécialiste des questions des maladies professionnelles, cette prise de position de la Cour de Cassation marque « l'histoire sociale du pays »..../... Selon lui l'élargissement du préjudice d'anxiété à tous les salariés exposés à des produits nocifs marque l'histoire sociale du pays.

Me Jean-Paul Teissonnière, avocat des mineurs de Lorraine, confirme : « Grâce à l'action des anciens du charbon, la Haute Cour a décidé de généraliser le droit au préjudice d'anxiété à tous les travailleurs exposés à des produits dangereux pour la santé, voire présentant un risque mortel. Je ne vois pas comment nous aurions pu aller plus loin en faveur des salariés exposés. Nous avons là un outil juridique efficace pour les générations futures de travailleurs, y compris ceux exposés à de nouveaux risques sanitaires ».

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Dans le Nord, le 9 septembre, les anciens mineurs de Moselle-Est devront donc transformer l'essai marqué en septembre dernier à Paris. François Dosso est optimiste sur l'issue de cette audience :

« La Cour de Cassation a montré la voie à suivre. On voit mal les magistrats de Douai faire machine arrière. L'enjeu sera surtout de voir comment les juges quantifient le préjudice ».

François Dosso permanent CFDT mineurs spécialiste des maladies professionnelles

Comment vous préparez-vous à l'audience du 9 septembre à Douai ?

« Il y a un énorme travail administratif de vérification des dossiers des 730 plaignants. Une équipe de la CFDT, à Freyming-Merlebach, épluche chaque demande pour s'assurer qu'il ne manque rien. C'est important. Si un dossier est incomplet, le plaignant risque d'être débouté. Les personnes concernées doivent nous transmettre leurs informations rapidement. Nous avons créé une adresse mail : contamination@orange.fr ».

Êtes-vous confiant ?

« En modifiant la jurisprudence, la Cour de Cassation a permis aux mineurs lorrains de faire un pas vers la reconnaissance du préjudice d'anxiété. Les magistrats de Douai devraient s'inscrire dans ce sens de l'histoire. Reste à savoir comment ils mesureront le préjudice de chacun des requérants ».

Quel montant d'indemnités allez-vous réclamer ?

« Nous allons demander une indemnité de 15 000 € par dossier. Pour l'instant, seuls des dossiers concernant des expositions à l'amiante ont bénéficié de la reconnaissance du préjudice d'anxiété. Pour ceux-là, la moyenne octroyée par les tribunaux est de 10 000 € actuellement ».

Depuis le début de la procédure en 2013, près de 200 plaignants sont tombés malades de leur travail, n'est-ce pas ?

« Depuis six ans et demi, parmi cette population d'environ 800 mineurs retraités de Moselle-Est, 246 maladies professionnelles ont été reconnues chez 196 d'entre eux. Certains ont une, voire deux ou trois maladies. 26 dossiers ont déjà fait l'objet d'une condamnation pour faute inexcusable de l'employeur. Dix mineurs qui étaient avec nous au début de la procédure sont décédés depuis, des suites de leur maladie ».

De quoi souffrent les anciens mineurs de charbon ?

« Essentiellement de maladies respiratoires comme la silicose. Mais aussi des cancers du poumon, du rein, de la peau, du sang, du nez ».

Selon la CFDT mineurs, il existe « un risque accru de maladies professionnelles mettant en cause le pronostic vital des retraités mineurs ». Pour François Dosso, les 745 mineurs engagés dans la procédure sur l'anxiété ont 62 fois plus de risque de contracter une maladie liée à l'amiante qu'un homme de 55 à 75 ans, non mineur..../....

En conclusion, François Dosso rappelle juste ceci :

« Durant toute l'histoire des mines de charbon en France, le port du masque de protection n'a jamais été rendu obligatoire ». Terrifiant !