COVID-19 : deux ans après (Le Travailleur N°153 / DECEMBRE 2021)

Publié le 28/02/2022 (mis à jour le 09/05/2022)

On pensait en finir rapidement avec la pandémie de Covid-19, mais la réalité s’avère différente avec en France la survenue d’une 5ème vague et l’apparition d’un nouveau variant (Omicron) qui pourrait poser problème.

On ne s’y attendait pas …  

Ce qui fait dire à Albert Camus dans son roman « La peste » publié en 1947 : « On croit difficilement aux fléaux, lorsqu’ils vous tombent sur la tête … ». Pourtant Charles Nicolle avait prévenu dans son traité « Destin des maladies infectieuses » paru en 1933 : « Il en naîtra de nouvelles ; il en disparaîtra lentement quelques-unes ; celles qui subsisteront ne se montreront plus sous les formes que nous leur connaissons aujourd’hui … ».

Depuis son émergence en Chine fin 2019, le Covid-19 a provoqué, à ce jour, 5 300 000 décès dans le monde entier et 120 000 décès en France.

En fait la médecine triomphante pensait qu’elle en avait fini avec le péril infectieux, banalisant la grippe qui fait en moyenne 10 000 morts par an en France et qui a connu 4 pics épidémiques beaucoup plus meurtriers au 20ème et début du 21ème siècle (grippe espagnole en 1918/1919, grippe asiatique en 1957, grippe de Hongkong en 1968- 69 et grippe H1N1 en 2009).

Pourtant elle aurait dû se méfier devant l’émergence de maladies infectieuses nouvelles, notamment le virus du SIDA en 1981 (36 millions de décès dans le monde depuis) et le virus Ebola en 1976 se manifestant par des épidémies localisées à répétition très meurtrières.

Nous vivons en équilibre avec un monde microbien très riche dont certaines espèces vont se révéler dangereuses pour l’homme. De nombreuses maladies infectieuses (de l’ordre de 60 %) sont contractées au contact des animaux et notamment des animaux sauvages et sont dénommées « zoonoses ». L’homme, en bousculant les écosystèmes, notamment par la déforestation, accentue le passage des agents infectieux du monde sauvage à l’être humain en rétrécissant les territoires du monde sauvage et en le rapprochant de l’homme.

Si par le passé les foyers épidémiques pouvaient rester localisés, la circulation intense des individus au niveau mondial fait que la moindre épidémie peut devenir rapidement une pandémie.

L’épidémie de Covid-19 s’est transformée rapidement en crise sanitaire avec une capacité du système hospitalier ayant des difficultés à faire face. L’hôpital public est mal en point, et cela depuis longtemps, bien avant la crise du Covid, et les gouvernements sont incapables d’anticiper (scandale
des masques).

Elle a révélé par ailleurs la limite de la médecine curative par rapport à la médecine préventive, sachant que - sans tenir compte de l’âge - les patients les plus à risque sont atteints de comorbidité et que peu d’efforts sont faits pour la prévention des maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies respiratoires. Dans le même registre, on a constaté que presque la moitié des patients infectés entrant en réanimation sont en situation d’obésité, débordant alors le simple cadre de la médecine pour poser le problème de la malbouffe.

La dynamique de la pandémie

L’agent de la Covid-19 (maladie), le Covid-19 (SARS-Cov-2) fait partie d’une famille de virus, les coronavirus, ainsi appelés en raison de leur forme, connus chez l’homme depuis les années 60/70 et dont le réservoir animal est principalement les chauves-souris. On les tient responsables des rhumes banaux en hiver et deux épidémies dues à des souches plus virulentes, SARS-Cov-1 en 2003 et MERS-Covid en 2012 qui étaient restées localisées et finalement pas très meurtrières.

C’est pourquoi lorsque le Covid-19 est apparu, il n’y a pas eu d’affolement, certains qualifiant au départ l’épidémie de « grippette ». Une des caractéristiques des virus est de muter fréquemment (le champion est le virus de la grippe), mais au départ le SARSCov- 2 apparaissait assez stable, avec une mise en évidence régulière de mutations sans conséquences. Puis sont apparues des mutations qui ont changé la donne sur la contagiosité mais pas forcément sur la virulence. La souche originelle s’est vue supplantée par le variant anglais, puis c’est la variant Delta qui a pris le dessus. Est apparu en Afrique du Sud un nouveau variant, Omicron, encore plus contagieux, avec pour le moment quelques cas dans les autres pays du globe, et qui pourrait supplanter le variant Delta.

Les mutations responsables de cette contagiosité concernent une protéine située à la surface extérieure du virus, appelé « protéine S » (Spike en anglais) permettant au virus de s’attacher aux cellules humaines, notamment au niveau du poumon, puis d’y pénétrer.

En fait si le variant Omicron s’avère plus contagieux au point de supplanter le variant Delta, il n’est pas forcément plus virulent. Il serait même apparemment moins dangereux que les précédents. Si on dénombre dans le monde 5 300 000 millions de décès, il faut les rapporter aux 270 millions de personnes touchées, donnant alors un taux de létalité à moins de 2 %, permettant à certains d’affirmer que l’infection par le Covid-19 est en majorité
bénigne.

En France ¾ des décès concernent des personnes âgées de plus de 75 ans contre moins de 1 % chez les moins de 45 ans et les enfants. Les 2/3 de ceux qui sont décédés était porteurs de comorbidité.

Le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas sur une période donnée par rapport à 100 000) comptabilise le nombre de cas détectés (symptomatiques ou asymptomatiques) sans corrélation avec le nombre de personnes hospitalisées et de ceux admis en soins intensifs, cette discordance étant expliquée par la vaccination qui protège des cas graves. Le taux d’incidence est actuellement de 501 (le seuil d’alerte est de 50) alors qu’il était
descendu en dessous de 50 au début de l’été. Le nombre de malades en soins critiques est de 2 600 alors qu’il était monté à 7 000 lors de la première vague.

La Covid 19 : éléments cliniques

Après un contact avec une personne porteuse du virus et donc contagieuse, la durée d’incubation est en moyenne de 3 à 7 jours, justifiant l’éviction de l’ordre de 7 jours des personnes ayant été en contact avec quelqu’un d’infecté ou suspecté de l’être.

  • Les premiers symptômes apparaissent progressivement, contrairement à la grippe où le début est brutal : le nez qui coule, des maux de tête, des douleurs musculaires, de la fatigue.
  • Puis secondairement se manifestent de la fièvre, des signes respiratoires (toux, douleurs thoraciques, gêne respiratoire). L’intensification des difficultés respiratoires est liée à une pneumonie, se manifestant au scanner par de signes caractéristiques, et nécessite alors l’admission à l’hôpital avec mise sous oxygène si le taux d’oxygène dans le sang se met à baisser.
  • Si la situation respiratoire s’aggrave (effondrement du taux d’oxygène dans le sang) le malade doit être admis en soins intensifs (réanimation) et dans les cas extrêmes le malade doit être intubé (introduction d’un tube dans la trachée qui est relié à un respirateur artificiel) et mis en coma artificiel.

En dehors du poumon, il y a possibilité d’atteintes multiples et de séquelles à long terme, mais ce n’est qu’avec le recul que l’on pourra faire la part des choses avec l’évaluation des divers aspects pathologiques. Après une forme aiguë, pas forcément grave, peuvent persister au-delà d’un mois des
symptômes tels que essoufflement, maux de tête, fatigue, troubles de la concentration et de la mémoire, perte du goût et de l’odorat (anosmie). On parle alors de Covid long dont la signification n’est pour le moment pas claire et dans certains cas ce syndrome ( = association de signes cliniques) pourrait s’apparenter à un état de stress post-traumatique.

Il n’y a pas pour le moment en France de traitements médicamenteux grand public contre le Covid 19. À été mis au point récemment par un laboratoire pharmaceutique un antiviral, le molnupiravir, mais en France la Haute Autorité de Santé (HAS) a refusé une autorisation d’utilisation, doutant de sa performance. Les traitements restent donc symptomatique, sachant que les formes graves sont actuellement mieux prises en compte avec la mise en oeuvre de corticoïdes et d’anticoagulants et à un moindre recours à l’intubation permettant de réduire la mortalité.

flacon vaccin 

La vaccination, meilleur rempart contre le Covid-19

Depuis la mise au point d’un vaccin contre la rage par Pasteur en 1880, de nombreux vaccins ont vu le jour, permettant de lutter efficacement contre un certain nombre de maladies bactériennes et virales, allant même dans certains cas jusqu’à l’éradication au niveau mondial (variole, polio en passe de l’être…).

La mise au point rapide de vaccins contre le Covid-19 a permis de changer la donne de l’épidémie, sachant toutefois que si ces derniers protègent contre les formes graves, notamment chez les personnes à risque, ils n’empêchent pas la circulation du virus chez les gens vaccinés, qui peuvent alors être contagieux, nécessitant de mettre en oeuvre d’autres moyens de prévention, sans toutefois espérer éradiquer le virus.

Actuellement, 4 vaccins sont autorisés en France faisant appel à deux technologies différentes : vaccins à ARN messager (Pfizer-BioNtech et Moderna) et vaccins à vecteur viral (AstraZeneca et Janssen). En fait, les plus utilisés sont les vaccins à ARN messager.

S’il existe encore chez certains des réticences à se faire vacciner, il n’en reste pas moins qu’actuellement les ¾ des malades admis en réanimation sont des non vaccinés, mais la présence de vaccinés pose quelques questions, notamment l’efficacité de l’immunité conférée par le vaccin qui diminue avec le temps et qui amène à préconiser l’injection d’une 3ème dose. Il en est de même chez ceux dont la réponse immunitaire au vaccin n’est pas excellente ; notamment les personnes présentant un déficit immunitaire ou soignées avec des immunosuppresseurs (transplantés, traitements
du cancer). Il est alors préconisé chez ces derniers un traitement préventif par injection d’anticorps monoclonaux qui ont fait leurs preuves (efficaces à 80 %), mais ceci reste un traitement d’exception en raison de son coût.

La résistance à la vaccination chez certains est liée à la question des effets secondaires des vaccins. Si effectivement la mise au point du vaccin a été rapide, avec notamment une phase III (essais cliniques sur plusieurs dizaines de milliers de volontaires) très écourtée alors que cette phase dure en principe plusieurs années, les effets secondaires à court terme (détectés dans le cadre d’une procédure de pharmacovigilance) sont très minimes et la plupart du temps peu graves au regard du nombre d’injections pratiquées dans le monde.

On peut en conclure que la balance coût/bénéfice est nettement en faveur de la vaccination, mais un problème reste en suspens, celui de la vaccination des enfants.

Les mesures complémentaires à la vaccination appliquées dans les différents pays et ayant varié en France dans le temps ont pour but de freiner la circulation du virus avec plus ou moins de succès et c’est lorsque que l’épidémie aura nettement régressé que l’on pourra comparer les diverses stratégies adoptées par les différents pays. Ces mesures de prévention vont des plus contraignantes (confinement, couvre-feu, jauge dans les endroits recevant du public, isolement des personnes infectées et de leurs contacts, nécessité d’un pass sanitaire pour accéder à de multiples lieux) à d’autres plus basiques susceptibles d’être plus facilement acceptées par la population : port du masque en milieu confiné, distanciation physique, lavages fréquents des mains, aération des lieux confinés.

La reconnaissance en maladie professionnelle

Il existe depuis peu un tableau de maladie professionnelle (n° 100 pour le Code de la sécurité sociale et n° 60 pour le Code rural), mais il ne concerne que les soignants pris au sens large du terme et dont la maladie a nécessité une oxygénothérapie ou a entraîné le décès.

Pour les autres (soignants sans oxygénothérapie, autres professions avec ou sans oxygénothérapie) il existe une procédure de rattrapage plus contraignante avec soumission du dossier à un Comité national de reconnaissance des maladies professionnelles composé de 2 médecins, sachant
que, quelle que soit la victime, si elle n’a pas bénéficié d’oxygénothérapie elle doit justifier d’un taux d’IPP (Incapacité Permanente Partielle) prévisible d’au moins 25 % pour que son dossier soit instruit.

Dans les dernières statistiques en notre possession on note dans le régime général de l’ordre de 1 800 cas reconnus (en majorité des soignants et dans le cadre du tableau n°100), avec un nombre de refus nettement supérieur (de l’ordre de 2 900). Ils sont 1 400 cas reconnus et 415 refus dans
la fonction publique hospitalière. Nous commençons à gérer dans nos permanences médico-légales les difficultés causées par ce dispositif restrictif alors qu’au départ les pouvoirs publics avaient fait miroiter un accès facile à la reconnaissance. Cet article est la suite d’articles précédents concernant le Covid-19 (septembre 2020 et mars 2021) et les maladies infectieuses en milieu professionnel (décembre 2020) auxquels le lecteur pourra se reporter.

 

 

Dr. L. PRIVET

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