Covid-19 (Le Travailleur N°148 / Septembre 2020)

Publié le 08/09/2020 (mis à jour le 08/07/2021)

« On croit difficilement aux fléaux, lorsqu’ils vous tombent sur la tête … » Albert Camus (La Peste)

Le système de défense de l’organisme face aux microbes

Les microbes (ou micro-organismes) comprennent des individus dont la taille dépend de leur complexité et dont un certain nombre sont dangereux pour l’homme. En allant du plus petit au plus grand avec un exemple à chaque fois : virus (grippe), bactéries (staphylocoque), protozoaires (agent du paludisme), champignons (muguet), vers (tænia).

Face aux agressions que peuvent causer ces microbes, l’organisme va mettre en œuvre plusieurs lignes de défense, sachant qu’il existe un réseau de circulation spécialement dédié à cette fonction, le système lymphatique.

La première ligne de défense est constituée par la barrière cutanéo-muqueuse où veillent des cellules qui vont s’attaquer aux agents pathogènes.
Lorsque cette ligne est dépassée se met en action la réaction inflammatoire, 2ème ligne de défense, se traduisant par une augmentation de la circulation (rougeur et chaleur) et un œdème (tuméfaction et douleur) pour amener des troupes sur le lieu du combat pour combattre l’ennemi et notamment des cellules appelées phagocytes.
Ce processus de défense est amplifié par la mise en jeu d’aides complémentaires, et notamment dans la lutte contre les virus, la production de cytokines, qui empêchent la multiplication des virus dans les cellules. Mais ces molécules peuvent être libérées massivement et on parle alors « d’orage des cytokines », en quelque sorte une hyper-inflammation qui peut être fatale. C’est ce qui peut se produire avec le Covid-19 et explique en grande partie les formes sévères.
La 3ème ligne du système de défense est la réaction immunitaire mettant en jeu un certain nombre de cellules dominées par les lymphocytes et la fabrication d’anticorps dont la fonction est de neutraliser l’agent agressif, considéré comme un antigène.

test pcrLe test PCR permet d’attester la présence d’un agent pathogène dans l’organisme à partir de son matériel génétique, le procédé consistant à obtenir de grandes quantités d’un morceau du matériel génétique du microbe pour pouvoir l’identifier avec une analyse spécifique. C’est ainsi qu’on procède pour détecter la présence du Covid-19 chez les personnes suspectées être infectées à partir d’un prélèvement effectué dans le nez avec un écouvillon.

Le dosage des anticorps, dans le cadre de tests sérologiques, permet de rendre compte que l’infection a bien eu lieu, sans que l’on sache pour le moment dans le cas du Covid-19, si ces anticorps sont protecteurs pour l’avenir.

Le principe de la vaccination est de modifier un micro-organisme pour le rendre inoffensif tout en conservant sa capacité à susciter la production d’anticorps capables de neutraliser l’agent agressif quand il se présente de nouveau.
Il existe un certain nombre de vaccins, sachant que pour les maladies bactériennes, l’emploi des antibiotiques fournit parallèlement une aide considérable pour combattre ces dernières. Par contre, il y a peu de médicaments efficaces contre les virus et l’obtention d’un vaccin devient alors essentielle. C’est ce que l'on espère pour le Covid-19, sachant que pour le moment, un certain nombre de virus échappent encore à la possibilité d’un vaccin comme par exemple le virus du Sida ou le virus de l’hépatite C.

Le monde des virus

Les virus sont des entités simples et non pas des cellules (comme les bactéries) constituées d’un matériel génétique enfermé dans une coque faite de protéines. Ils sont incapables de vivre par eux-mêmes et sont obligés d’infester des cellules vivantes (êtres humains, espèces animales, végétaux …) pour pouvoir se multiplier, détournant à leur avantage la machinerie de la cellule.
La structure de base est complétée par un certain nombre d’accessoires aboutissant à une multitude de formes de virus. Ainsi les coronavirus, dont fait partir le Covid-19, sont ainsi dénommés parce qu’à la périphérie de la coque ronde se trouve une série de molécules (protéine S) formant un couronne qui vont permettre au virus de s’attacher à la cellule qu’il compte infester et de la pénétrer.
Les maladies virales dans leur expression clinique chez l’être humain sont connues depuis longtemps, mais le premier virus identifié chez l’homme est celui de la fièvre jaune dans les années 1900, précédé quelques années auparavant par l’identification d’un virus infestant les végétaux (virus de la mosaïque du tabac).
Parmi les maladies virales connues de longue date, certaines sont maîtrisées notamment grâce à la vaccination (par exemple la polio, la variole), mais d’autres donnent du fil à retordre et notamment les maladies virales émergentes (apparues ou identifiées récemment chez l’homme) : chikungunya (1952), coronavirus (1965), virus Ebola (1976), virus du Sida (1981), virus de l’hépatite C (1989) …

La classification des virus présente une certaine complexité, sachant qu’ils sont d’abord classés par familles, qui se divisent ou peuvent se diviser en sous-groupes pour aboutir aux espèces.
Chaque espèce peut comporter plusieurs types.
Ainsi par exemple, le virus de la grippe comporte 3 types de virus :

  • virus de la grippe A,
  • virus de la grippe B,
  • virus de la grippe C.

Chaque type peut comporter des variantes appelées souches : par exemple le virus de la grippe A H1N1.

La multiplicité des souches est liée à la capacité du virus à muter et le virus de la grippe est le champion en la matière. On dénombre 18 variantes selon la configuration de la protéine H qui permet l’attachement du virus à la cellule (H1 à H18) et 11 variantes de la protéine N qui aide à la sortie des virus qui se sont multipliés à l’intérieur de la cellule (N1 à N8). Ce qui offre beaucoup de possibilités avec la circulation de virus de la grippe plus ou moins contagieux et plus ou moins virulents de façon saisonnière, à la saison froide, et provoquant par périodes des épidémies beaucoup plus conséquentes.
Ainsi on sait que cet hiver ce sont les virus grippaux de types A (dont H1NI et H3N2) et B qui ont circulé et que le vaccin pour l’hiver prochain est fabriqué à partir de ce constat, sans que l’on sache quelles seront les souches dominantes circulantes cet hiver prochain, rendant son efficacité relative.
En fait, la première distinction que l’on fait en matière de virus est liée à la composition de leur capital génétique, à savoir les virus à ADN et les virus à ARN. L’ADN est la molécule portant le programme génétique de tout individu vivant, tandis que l’ARN, molécule voisine, sert de messager dans la machinerie cellulaire. Le virus de la grippe et les coronavirus sont des virus à ARN.

Charles Nicolle : « Destin des maladies infectieuses » (1933).
« Il en naîtra de nouvelles ; il en disparaîtra lentement quelques unes ; celles qui subsisteront ne se montreront plus sous les formes que nous leur connaissons aujourd’hui. Au total, quel sera le résultat de ce changement ?
Si le nombre des maladies nouvelles dépasse celui des maladies qui disparaîtrons, que deviendrons nos descendants et les animaux domestiques dans un monde, de plus en plus peuplé en germes pathogènes ? »

L’histoire des coronavirus

On s’est habitué à la grippe saisonnière qui fait quand même en moyenne 10 000 morts par an en France et plusieurs centaines de milliers de morts par an dans le monde.
Si l’épidémie de grippe dite espagnole en 1918/1919, très meurtrière avec l’estimation de 20 millions de morts dans le monde entier, a frappé les esprits, les épisodes suivants sont passés quasiment inaperçus alors qu’ils ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts en France :

  • grippe asiatique de 1957/1958 avec le virus A H2N2 (2 millions de morts dans la monde),
  • grippe de Hong-Kong de 1968/1969 à virus A H3N2 (1 million de morts).

Dans une période plus récente, en 2009, le virus de la grippe A H1N1 a fait plus parler de lui à cause du débat sur sa prévention que son aspect meurtrier (au niveau d’une grippe saisonnière), alors qu’il était très contagieux.
L’existence des coronavirus est suspectée chez certains animaux et notamment la volaille dès les années 1930, mais il faut attendre 1965 pour que le premier coronavirus soit identifié chez l’homme, notamment avec l’aide du microscope électronique nettement plus performant que le microscope optique. Depuis, on sait que des coronavirus sont responsables de rhumes banaux dans 10 à 30 % des cas (4 souches responsables).

Il existe une grande variété de coronavirus infestant de nombreuses espèces animales, mais la chauve souris est sans doute la championne. C’est le passage pratiquement certain de l’animal à l’homme de souches particulièrement virulentes qui explique les épisodes épidémiques qui vont survenir.

♦ La première alerte survient en 2003 avec l’épidémie de SARS-CoV, SARS étant les initiales an anglais du « syndrome respiratoire aigüe sévère (SRAS) » et CoV l’abréviation pour coronavirus. Mais l’épidémie partie de Chine est curieusement rapidement circonscrite et on ne déplore que 800 morts dans le monde.
♦ En 2012 survient une épidémie au Moyen Orient, attribuée au MERS-CoV, MERS étant les initiales en anglais de « syndrome respiratoire du Moyen Orient », qui reste cantonnée à cette région et n’a fait à ce jour que 900 morts.
♦ Puis apparaît le SARS-Cov2 ou Covid-19 (initiales en anglais de « coronavirus disease) en 2019 en Chine, probablement à partir d’un marché vendant des animaux vivants, notamment le pangolin et la civette, responsable de l’épidémie actuelle touchant le monde entier, devenant alors une pandémie. Il s’agit du 7ème coronavirus humain identifié.

L’existence d’une ou plusieurs souches circulantes fait débat avec la crainte de la survenue d’une mutation conséquente, mais ce virus apparaît assez stable.

L’infection par le Covid-19

L’infection par le Covid-19 est en majorité bénigne, ne donnant souvent aucun symptôme (porteurs sains), favorisant alors sa contagiosité, mais il existe des formes graves.
Après le contact avec une personne infectée (notamment par l’intermédiaire de gouttelettes nasales ou de l’air ambiant dans un milieu confiné) apparaissent progressivement dans les 3 à 5 jours les premiers symptômes (contrairement à la grippe où le début est brutal) : tout d’abord le nez qui coule, des maux de tête, des douleurs musculaires, de la fatigue. Puis secondairement on note de la fièvre et des signes respiratoires (toux, douleurs thoraciques, gêne respiratoire).
L’intensification des difficultés respiratoires (liées à une pneumonie que l’on peut mettre en évidence au scanner) nécessite alors l’admission à l’hôpital avec mise sous oxygène au masque.
Si la situation respiratoire s’aggrave avec effondrement du taux d’oxygène dans le sang, le malade doit être intubé (introduction d’un tube dans la trachée relié à un respirateur artificiel) et mis en coma artificiel.
Si on considère que l’âge est un facteur de risque, ce sont les comorbidités qui ont le poids le plus fort comme facteurs aggravants : obésité, diabète, hypertension artérielle, maladies pulmonaires chroniques, médicaments affectant le système immunitaire (chimiothérapie anti-cancéreuse) …
Si le poumon est la cible principale du Covid-19, avec à terme le risque d’une fibrose pulmonaire, il s’agit en fait d’une maladie virale aux visages multiples que l’on ne cesse de découvrir avec notamment les complications suivantes (liste non exhaustive) :

  • cardiovasculaires : troubles divers et notamment embolie pulmonaire …
  • rénales : insuffisance rénale chronique …
  • nerveuses et cérébrales : troubles divers et notamment perte du goût et de l’odorat, céphalées …
  • troubles digestifs : diarrhée, nausées, vomissements, douleurs abdominales …
  • lésions cutanées : rougeur, urticaire …
  • fatigue chronique,
  • état de stress post-traumatique, troubles anxio-dépressifs persistants…

Il n’existe pas pour le moment de traitement spécifique contre le coronavirus, en attente d’un vaccin potentiel. L’essentiel réside dans la prévention avec le respect des gestes barrières, et notamment le port du masque, la distanciation physique, le lavage des mains, et la détection par test PCR des personnes infectées et de leurs contacts et leur isolement tant qu’on estime qu’elles sont contagieuses (au moins 7 jours).

La dynamique de l’épidémie

On dénombre à ce jour près d’un million de décès dans le monde dus au Covid-19, dont près de 32 000 en France. La comparaison avec les autres pays ne peut se faire sur le nombre de décès en absolu mais sur le nombre de décès par rapport à l’importance de la population, qui est estimé alors par le taux de mortalité pour 1 million d’habitants.
Le taux pour la France est à ce jour de 457, sachant que le taux le plus élevé est au Pérou (937) et qu’il est de 868 dans un pays proche de chez nous, la Belgique.

Un autre indicateur est le taux de létalité où le nombre de décès est rapporté au nombre de cas détectés, ce taux étant fortement lié à la pratique du dépistage (le taux de positivité des tests est actuellement en France de 7,2 %). Pour l’OMS, le taux de létalité se situe entre 0,5 et 1 %, sachant que pour la grippe saisonnière il est de l’ordre de 0,1 %. Pour le Covid-19, il est actuellement de l’ordre de 0,7 % en France (pour plus de 500 000 cas confirmés).

En fait, ce qui a prévalu et qui prévaut actuellement dans la prise de décisions, notamment en France, c’est la capacité du système hospitalier à faire face, sachant que l’hôpital publique est mal en point et ce depuis longtemps.
Les paramètres qui sont pris en compte sont alors le nombre de personnes hospitalisées (plus de 6 000 à fin septembre contre près de 30 000 au plus fort de l’épidémie et plus de 3 000 au plus bas) et le nombre de personnes en réanimation (plus de 1 000 contre près de 7 000 au plus fort de l’épidémie et 360 au plus bas). Ces chiffres laissent à penser que la circulation du virus tend à repartir à la hausse.
C’est l’évolution au jour le jour de ces chiffres qui donne une idée sur l’évolution de l’épidémie et surtout le taux d’incidence qui comptabilise le nombre de nouveaux cas sur une période donnée exprimée généralement par rapport à 100 000 personnes.

Le taux d’incidence du nombre de personnes testées positives au Covid-19 rapporté à 100 000 habitants est un indicateur particulièrement suivi avec l’instauration d’un seuil d’alerte à partir de 50 pour 100 000 habitants.
Un autre paramètre pris en compte concerne l’évaluation de la contagiosité du virus. Il s’agit du Ro (taux de reproduction du virus au calcul assez complexe), définissant le nombre d’individus auxquels l’agent pathogène est transmis à partir d’un seul individu infecté. Le Ro du Covid-19 était de 3 avant confinement, sachant que celui de la grippe est de 1,5 et celui de la rougeole de 15.
Le confinement passé et les mesures barrières, complétées actuellement par une prise en charge spécifique des clusters (identification des sujets infectés et de leurs contacts et procédure d’isolement) ont pour but de ramener le Ro en dessous de 1, signe de la régression de l’épidémie. Mais pour le moment il reste supérieur à 1, signe de la progression de l’épidémie.

La reconnaissance en maladie professionnelle

Dès le début de l’épidémie, le ministre de la santé avait assuré que tous les soignants ayant été infectés par le Covid-19 seraient automatiquement reconnus en maladie professionnelle tandis que de nombreuses voix s’élevaient, et notamment l’Académie de médecine, pour demander que cette reconnaissance automatique intervienne aussi pour tous les salariés ayant contracté la maladie dans le cadre de leur travail.
Le dispositif vient d’être publié et montre une régression par rapport aux promesses. Il présente un certain nombre de restrictions et seul son usage permettra de savoir s’il va laisser ou non beaucoup de victimes au bord du chemin.
Il est créé un tableau des maladies professionnelles n°100 dans le cadre du Code de la sécurité sociale (tableau n°60 dans le Code rural et de la pêche maritime), accessible sur Internet (site Légifrance). Il est intitulé : « Affections respiratoires aiguës liées à une infection au SARS-Cov2 ».
Il concerne le personnel soignant au sens large du terme avec une longue énumération limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie, l’exigence étant que cette dernière a nécessité la mise sous oxygène de la victime lors de sa prise en charge médicale et que la maladie se soit manifestée dans un délai de 14 jours (délai de prise en charge) après la fin de l’exposition.

L’accès à ce tableau est donc réservé aux formes graves tandis qu’il n’est pas fait mention dans ce tableau de la possibilité de complications extra-pulmonaires et seul l’avenir nous dira si cette absence de mention sera un handicap pour leur prise en compte.

Pour tous les autres, c’est dire les soignants n’ayant pas bénéficié d’oxygénothérapie et tous les non-soignants, la reconnaissance ne pourra intervenir qu’après soumission du dossier à un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles spécifique composé de 2 médecins qui statuera sur le lien de la maladie avec le travail, par analogie au système existant pour les maladies hors tableau, mais avec la dérogation de n’être composé que de 2 médecins au lieu des 3 exigés dans le système actuel.
Outre les incertitudes sur le fonctionnement exact de ce comité (exigence ou non d’une certaine gravité, force du lien), ce dispositif laisse prévoir un certain nombre de difficultés, si l’on se réfère au fonctionnement actuel des CRRMP dans le cadre du système complémentaire.

Les démarches pour se faire reconnaître sont les démarches habituelles en matière de maladie professionnelle, en rappelant la différence entre le privé et la fonction publique. En cas de reconnaissance, le problème qui risque de se poser fréquemment est une juste évaluation des séquelles se traduisant par un taux d’IPP (Incapacité Permanente Partielle) adéquat.
Les adhérents qui auront des difficultés pourront s’adresser à leurs représentants syndicaux, sachant qu’il existe à l’UTI d’Alsace un dispositif d’aide avec des permanences techniques et des permanences médico-légales pour aider les syndicats à prendre en charge les adhérents concernés.

Dr. L. PRIVET

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