Invisibles et essentielles (SH / 20 décembre 2022)

Publié le 02/01/2023

Elles sont présentes dans tous les hôpitaux et les Ehpad, chargées de l’entretien et du nettoyage. Les agents des services hospitaliers qualifiés (ASHQ) soutiennent une mission de première ligne indispensable, mais souvent ignorée et déconsidérée. Au centre hospitalier régional universitaire de Nancy (54), la section CFDT agit au côté de ces professionnelles pour une meilleure reconnaissance du métier et une amélioration de leurs conditions de travail.

«J’adore mon métier, confie Stéphanie Schmit, ASH et adhérente CFDT au sein du CHRU (centre hospitalier régional universitaire) de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Je suis à la base du système de soins. Si je ne suis pas là, la chaîne ne peut pas fonctionner correctement, et les patients peuvent être mis en danger. Mon travail est vital. »

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Dans les chambres, les parties communes ou les salles d’opération, comme Stéphanie, elles sont environ 700 à œuvrer jour et nuit dans les coursives de l’hôpital. Elles – ce sont majoritairement des femmes – veillent à l’hygiène et à la propreté des lieux, participent à la distribution des repas aux malades ou encore à la répartition du linge.

« Les ASH sont indispensables, témoigne Ophélie Opfermann, infirmière et secrétaire de la section CFDT de l’hôpital – première organisation de l’établissement avec 54 % des voix en 2018. Si la chambre d’un patient dans laquelle je dois intervenir n’est pas propre, je ne peux pas effectuer un pansement dans de bonnes conditions. »

“On vous fait comprendre que vous n’êtes pas importante et que votre travail ne l’est pas non plus.
Il n’y a rien de pire pour démotiver les agents”

 

«La propreté, c’est la vitrine de l’hôpital», résume Patricia Lécot, secrétaire générale du Syndicat Santé-Sociaux 54.

«On vous fait comprendre que vous n’êtes pas importante.» Stéphanie Schmit, qui travaille sur le site depuis vingt ans, n’a pu que constater la dégradation des conditions de travail dans son métier et le manque de considération dont elle et ses collègues font l’objet.

Elle a ainsi vu les activités des agents de services hospitaliers qualifiés externalisées et confiées à des prestataires… avant d’être en partie réinternalisées, grâce à l’action de la CFDT.

Elle a vu les ASHQ, jusque-là dédiées à des services, écartées des collectifs de travail et être mises à disposition des ressources humaines pour «boucher les trous ». Et elle ne compte plus les non-remplacements de collègues absentes : « On nous dit que ce n’est pas une priorité. » Avec tous les messages induits et sous-jacents de ces déclarations : «On vous fait comprendre que vous n’êtes pas importante et que votre travail ne l’est pas non plus. Il n’y a rien de pire pour démotiver les agents», déplore Stéphanie, qui intervient depuis trois ans dans le service de stérilisation, une place pivot de l’hôpital puisque tous les équipements utilisés par les services de l’établissement y sont désinfectés.

Un travail dur et physique

Au manque de reconnaissance s’ajoutent une faible rémunération et des conditions de travail difficiles (lire l’encadré). En fonction des postes qu’elle a pu occuper, le podomètre de Stéphanie affichait jusqu’à 10 kilomètres de marche par jour. Le tout en poussant un chariot de plusieurs kilos et en maniant les outils indispensables à son activité : balai, franges microfibres et produits désinfectants. « C’est un travail particulièrement dur et physique, insiste cette professionnelle qui souffre de douleurs aux épaules à force de répéter les mêmes gestes. Il faut toujours faire plus avec moins. »

“ Le taux d’absentéisme est passé de 12,5 % en 2018 à 14,6 % en 2021, avec des pics à 30 % dans certains services.” Stéphane Maire, secrétaire général adjoint de la section et secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

 

Le tout, bien évidemment, en veillant à respecter un protocole sanitaire strict. Cette dureté du travail se traduit par une explosion du taux d’absentéisme.

« Il est passé de 12,5 % en 2018 à 14,6 % en 2021, avec des pics à 30 % dans certains services », indique Stéphane Maire, secrétaire général adjoint de la section et secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

« Nous condamnons régulièrement le manque d’effectifs des ASH dans de nombreux services. Cette situation entraîne une surcharge de travail pour celles qui sont présentes, engendre du stress et de l’épuisement, des accidents du travail, des maladies professionnelles et une dégradation de la qualité des services rendus aux usagers », pointe le militant.

À force de tirer la sonnette d’alarme, la section a fini par obtenir le recrutement de douze contractuelles, de nouveaux équipements et des investissements dans des matériels plus modernes et ergonomiques. Surtout, elle a fait acter la mise en place d’un groupe de travail spécifique réunissant les organisations syndicales, la direction, des cadres de santé, des médecins ou encore des ergonomes. Le groupe est chargé d’analyser les causes de l’absentéisme et de faire des propositions d’amélioration des conditions de travail. Un groupe au sein duquel la section ne manquera pas d’aborder les questions de formation et de maintien dans l’emploi.

« Reconnaître l’engagement et le travail des agents hospitaliers à leur juste valeur revêt un caractère d’urgence absolue, conclut Ophélie Opfermann. Les ASHQ sont des maillons importants de la chaîne de soins. Elles doivent être reconnues comme tels. Ce sont des membres de l’équipe à part entière. »

LE MÉTIER D’AGENT DE SERVICE HOSPITALIER QUALIFIÉ, C’EST QUOI ?

Elles sont plus de 70 000 à exercer dans les établissements de la fonction publique hospitalière, que ce soit au sein des hôpitaux ou dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). On les retrouve dans le privé ou dans la fonction publique territoriale.

« Elles » parce que plus de 90 % des agents des services hospitaliers qualifiés sont des femmes. Leur salaire varie entre 1 700 à 2 000 euros brut mensuel pour un temps complet en fonction de l’ancienneté.

« En théorie, leur travail varie du bionettoyage à la gestion des stocks d’hôtellerie, des produits d’entretien à la distribution des repas. En pratique, et face aux pénuries de personnels, on assiste à un glissement de leurs tâches, résume Rozenn Guéguen, secrétaire nationale à la CFDT-Santé-SociauxElles peuvent être amenées à accomplir des missions qui incombent aux aides-soignantes (AS) : l’aide à l’habillage, au repas ou à la toilette… sans la formation et la rémunération qui vont avec», poursuit-elle.

Un état de fait inacceptable pour la CFDT-Santé-Sociaux qui, face aux évolutions du métier, formule plusieurs propositions. Elle revendique notamment la reconnaissance de la profession comme un des métiers de la filière du «prendre-soin», la mise en place d’un plan national de formation, l’augmentation des effectifs afin d’alléger leur charge de travail ou encore la création d’espaces de dialogue permettant aux ASHQ de s’exprimer au sujet de leurs problématiques de travail.