Quand l’action syndicale collective prend tout son sens

Publié le 18/03/2019

La section CFDT de l’association médico-sociale Adèle de Glaubitz a prouvé que le travail collectif est une condition indispensable pour aboutir à un dialogue social constructif. Cette dernière s’est mobilisée dans la négociation d’une prime exceptionnelle dite « Prime Macron » qui, après un premier refus de la direction, a abouti à un accord plus avantageux que la proposition initiale faite par la CFDT.

Propos de Philippe Bernhard, délégué syndical central

Quelle était l’origine de la demande de la section CFDT ? Sur quoi portait elle ?

La demande initiale portée par la CFDT était liée au contexte social que l’on connait à savoir la demande d’une prime défiscalisée exceptionnelle pour l’ensemble des salariés. Il nous paraissait légitime que les salariés de notre association bénéficient de cet avantage au même titre que ceux d’une grande entreprise. Les sections ont validé la proposition, adressée à la direction, qui avait un but solidaire : flécher la prime en fonction des salaires les plus modestes.

Quelle fut la réponse de la direction à la demande de cette prime ?

Dans un courrier, le directeur de l’association refuse le principe d’une prime exceptionnelle en prétextant que l’association n’a pas l’habitude de gérer les ressources humaines par opportunisme, selon les aléas du moment. Il proposait de mettre en place une enveloppe budgétaire pour faciliter l’accès à des formations pour le personnel sans qualification. Le directeur a appuyé sa réponse en citant une déclaration de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, en indiquant « qu’il valait mieux traiter les causes de la précarité que ses conséquences ». Rajoutant, que l’association s’inscrit ainsi dans un objectif ambitieux et souhaite associer les syndicats représentatifs du personnel.

Quelle a été votre première réaction à cette réponse ?

La première réaction du collectif CFDT a été que la direction voulait évacuer notre demande initiale pour abonder le CPF (Compte Personnel de Formation) pour les salariés sans qualification. Nous n'étions pas opposés à cette proposition, mais il nous semblait important de séparer les deux sujets. Pour nous, le sujet principal était l’attribution de cette prime.

Pourquoi as-tu interpellé par écrit Laurent Berger concernant votre démarche ?

Dans un premier temps, nous souhaitions que Laurent réponde à notre employeur sur la partie où la direction citait ces propos. Mais aussi avoir son avis et nous soutenir sur la légitimité dans notre démarche.

Quel éclaircissement vous a apporté la réponse de Laurent ?

Les propos de Laurent étaient de ne pas opposer les deux sujets mais au contraire que l’un pouvait compléter l’autre. Son appui nous a permis d’ouvrir notre réflexion dans une démarche à court terme, mais aussi à long terme concernant la question de la précarité. Au-delà de cette orientation, un très grand nombre de militants CFDT a été touché et même pour certains émus de l’attention et du soutien de Laurent envers notre travail.

Quels ont été vos arguments face à la direction lors de la phase négociation ?

Nous avons mis en avant les difficultés liées à notre secteur d’activité :

  • 60% des salariés de notre association touchent moins de 1500 € net par mois,
  • 80% sont des femmes vivant parfois seules avec des enfants, et pour certaines avec des contrats partiels,
  • les difficultés financières de fin de mois sont une réalité,
  • cette prime restait exceptionnelle.

Nous souhaitons de la direction un geste de reconnaissance de l’investissement et du professionnalisme des salariés, tout en mettant en avant qu’un grand nombre d’associations comme la nôtre ont joué le jeu en mettant cette gratification en place.

Nous savions que l’association avait les moyens de verser cette prime suite à la déduction de charge liée au CITS (Crédit d’Impôt sur la Taxe sur les Salaires). Trop souvent, la direction s’oppose à nous sous prétexte que nous avons des fonds socialisés et qu’il n‘y a pas de budget. Nous sommes conscients que cette prime n’est pas un objectif en soi, mais reste un geste important pour les salariés. Il est plus symbolique par le geste que par le montant.

Qu’avez-vous obtenu finalement ?

Nous avons obtenu un accord qui précise que l’association s’engage sur 2 aspects : le versement d’une prime exceptionnelle et la mise en place d’une enveloppe budgétaire pour la formation. La CFDT souhaitait ouvrir cet accompagnement à la formation sans se limiter au premier niveau de qualification.

L’obtention de cette enveloppe budgétaire est à la hauteur des accords, et c’est bien une première pour les militants CFDT de cette association.

Qu’avez-vous retenu de cette mobilisation ?

Cette mobilisation a redonné du sens à notre cohésion collective.

C’est un sujet qui a fédéré un grand nombre d’élus CFDT, en créant un rapport de force en notre faveur dans les instances représentatives du personnel. Cette mobilisation a abouti à des démarches coordonnées dans chacune des instances de nos différents sites. Chaque Comité d’Entreprise a fait une démarche envers sa direction de proximité.

Pour moi, cette mobilisation et cette réussite pourraient signifier un nouveau départ dans la négociation d’entreprise à venir. Avec, à la clef, un budget fléché ou des excédents budgétaires pour financer de nouveaux accords d’entreprise pour répondre à toute forme de précarité.

D’autre part, cette action a été bénéfique pour l’ensembles des sections du syndicat santé sociaux du Haut-Rhin. Certaines ont repris la même proposition et la plupart ont abouti à un accord. Au vu des retours des équipes, la CFDT est la seule organisation syndicale à avoir coordonné une telle démarche, qui était basée sur une unique proposition pour l’ensemble des sections.

Pourrais-tu nous dire quelques mots sur la CFDT au sein de l’association ?

L’association est présente sur tout le territoire alsacien : 3 sites dans le Haut-Rhin et 2 dans le Bas-Rhin. Elle emploie 1 200 salariés. La CFDT possède des sections sur tous les sites, où elle est majoritaire avec 82% aux dernières élections professionnelles. D’années en années, la CFDT progresse en nombre de voix. Actuellement, nous sommes en cours d’élaboration d’un accord de dialogue social, à l’approche des élections qui devraient se dérouler en octobre 2019.