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Fermeture de la centrale thermique Emile Huchet, un projet de territoire en demi-teinte

Publié le 31/10/2019

Le 18 octobre dernier la CFDT participait à la 3ème réunion plénière pour l'élaboration du Projet de territoire lié à la fermeture de la tranche thermique de la centrale Emile Huchet de Carling-Saint Avold en 2022. 

Sandrine Marx, qui suit ce dossier pour la CFDT Moselle répond à nos questions.

 Sandrine, peux-tu nous dire dans quel contexte est élaboré ce projet de territoire ? 

SM : Tout a commencé avec l’annonce de la fermeture des centrales thermiques à l’horizon 2022 par Emmanuel Macron. Depuis février 2019, les acteurs du territoire, organisations syndicales, associations environnementales, mais surtout les élus des 4 communautés de communes concernées planchent sur l’élaboration de ce projet avec les services de l’Etat. Au-delà des 105 salariés de la centrale et des 214 sous-traitants, c’est l’ensemble du territoire (déjà impacté par la fermeture des houillères) qui est concerné.

Le projet de territoire est donc construit autour de 4 axes 

-          Economie, formation, emploi

-          Transition énergétique, mobilités

-          Gestion des ressources naturelles

-          Santé des populations

 Peux-tu nous détailler chacun de ces axes et en faire une analyse ? 

SM : le premier axe prévoit l’installation d’une usine européenne de production de batteries électriques (ouverture horizon 2021) ; ce projet est porté par la région Grand Est, qui donnerait la priorité à une localisation sur ce territoire (autres candidats potentiels : Trémery et Mulhouse, deux usines du groupe Peugeot).

Cet axe prévoit également un accompagnement des sous-traitants, sur le modèle de la méthodologie élaborée (avec des propositions CFDT) à Fessenheim. La DIRECCTE a ainsi identifié 14 entreprises (dont 2 en situation difficile) nécessitant un accompagnement, notamment une réorientation vers d’autres donneurs d’ordre. Pour les salariés de ces entreprises, il sera proposé un bilan de compétences, des pistes de reclassement possibles et un accompagnement personnalisé. Il faudra être attentif à la concurrence possible entre les salariés EDF impactés par la fermeture de Fessenheim et les salariés Gazel Energie (propriétaire de la centrale Emile Huchet) dans un possible reclassement au sein de la centrale nucléaire de Cattenom.

Concernant l’axe « transition énergétique », 3 projets sont sur la table :

-          Un projet de valorisation énergétique de combustibles solides de récupération (CSR). Il s’agirait de construire une nouvelle unité de production sur le site de la centrale actuelle et non pas d’une conversion de l’existant. Pour l’instant on ne sait rien sur l’utilisation qui pourrait être faite de la chaleur ou de l’électricité produite et on ne sait rien de l’approvisionnement qui pourrait au final dégrader le bilan carbone du projet. De plus, la multiplication de ce type d’installations est difficilement compatible avec nos objectifs de réduction des déchets. Le Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), en cours de validation, pointe déjà une sur-capacité au niveau de l’incinération en Grand Est. On peut donc sérieusement s’interroger sur la viabilité d’un tel projet et son articulation avec le PRPGD.

-          Un projet biomasse. Là encore, nous sommes encore dans le flou sur l’utilisation de la chaleur ou de l’électricité produite ainsi que sur les approvisionnements. Il faut être attentif à ne pas déstabiliser d’autres équipements comme la centrale à biomasse de Metz ou l’unité de méthanisation des déchets verts du Sydeme à Sarreguemines.

-          Un autre projet, de production, de stockage et d’utilisation d’hydrogène avec réinjection dans le réseau gaz et un projet pilote sur les mobilités.

Enfin l’axe sur la santé prévoit l’élaboration d’un contrat local de santé (porté par l’ARS). Nous avons signifié à la sous-préfète que la CFDT est prête à se joindre aux travaux d’élaboration de ce contrat. En 2015, la CFDT s’était déjà fortement impliquée dans l’élaboration du Projet Médical de Moselle-Est avec l’ARS ; un accord avait permis la création de 420 lits et places dans le médico-social, générant 267 équivalents temps-plein.

 Selon toi, y a-t-il des manques ? 

Le transfrontalier transparait peu (voire pas) dans le projet de territoire sauf lorsqu’il s’agit de « fiscalité spécifique » qui permettrait d’être plus compétitif. J’ai insisté (voir intervention) sur le fait qu’avant de décider de telles zones à fiscalité spécifique, il serait bon qu’on s’assure que les crédits déjà alloués pour les différents projets soient consommés.

-          Autre absent du projet de territoire, l’artisanat et son développement (sur un territoire avec 11% de chômage et plan d’action « cœur de ville » sur St Avold, ça interroge). Je suis intervenue sur l’opportunité d’entrer dans la démarche Zéro chômeur de longue durée mais n’ai eu aucune réponse.

-          Plus inquiétant, la question de la remontée de la nappe phréatique a complètement disparu des débats (alors que ça avait été évoqué en février). D’ici 10 à 20 ans, plusieurs milliers de bâtiments seront impactés car l’eau affleurera à -3 mètres, notamment sous la plateforme pétrochimique de Carling.

 Et en conclusion ? 

En conclusion je crains fort que nous ayons affaire à un énième projet sur ce territoire qui est à la peine depuis la fermeture des houillères. Si les projets phares aboutissent, comme l’usine de batteries, on pourra montrer une autre image de ce territoire, davantage tourné vers son avenir que vers son passé. Il faudra être attentif au suivi du projet, notamment dans la consommation des crédits, et rappeler régulièrement aux élus régionaux et locaux leurs promesses.