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Chérèque, le métallo devenu ministre (ER, Mardi le 26 Décembre 2017)

Publié le 27/12/2017

Jacques Chérèque, 89 ans, a tiré sa révérence la veille de Noël, sur ses terres où s'ancra, 50 ans plus tôt, son parcours républicain. Du « métallo » au ministre : une seule trajectoire.

C'est la dernière image de Jacques Chérèque, en 2013, avec un président de la république. On y voit le leader syndical, ancien préfet et ministre, offrir une Tour Eiffel en fil d'acier à un François Hollande touché. Tout un symbole pour le célèbre acier puddlé de Pompey, et tout le respect aussi de Hollande pour Chérèque. Il est vrai que l'ex-métallo, pragmatique et bourru, sera souvent utile aux gouvernements de gauche pour faire avancer la Lorraine sur la voie de la reconversion industrielle.

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Jacques Chérèque, c'est un peu la victoire du pragmatisme politique et syndical sur l'insurrection ouvrière. Négociateur rude et pugnace en coulisse, il préfère travailler les failles des dossiers, plutôt qu'agiter le chiffon rouge sur les barricades. Scout de la première heure, « prolo catho » pour les uns, syndicaliste politisé pour les autres, cet ancien de l'Action catholique ouvrière passe d'abord par le PSU, puis devient l'un des acteurs clé des assises du socialisme en 1974.

Le virage est pris, Jacques Chérèque est désormais un homme écouté au sein de l'appareil politique, courant Rocard, à qui il restera fidèle. Toujours prêt pour un bon mot, rarement diplomate, l'homme aime les formules à l'emporte-pièce : « Il faut retirer les hauts fourneaux de la tête des sidérurgistes lorrains », disait-il souvent, y compris devant les gueules jaunes de la CGT qui s'étranglent et le sifflent en 1988 à Bouligny, dans la Meuse. On y a enterré trois ans plus tôt, et sans ménagement, la minette lorraine, sur l'autel du réalisme économique européen.

Visionnaire mais pas fataliste, Jacques Chérèque comprend très vite que la sidérurgie lourde lorraine est condamnée. Préfet délégué chargé du redéploiement industriel puis ministre écouté chargé de l'aménagement du territoire et des reconversions sous le gouvernement Rocard, Jacques Chérèque parcourt tout le territoire. Il discute, négocie, ferraille, met en place le plan Fabius pour les mines de fer et la sidérurgie, puis la Convention générale de protection sociale.

Ce qu'il avait promu, Jacques Chérèque l'accompagnait, à l'instar du secteur de Pompey, dont la reconversion est toujours un modèle de réussite économique dans un bassin d'emploi sinistré. Forgé comme l'acier de Pompey, Chérèque pliait parfois, mais reprenait très vite sa forme initiale : celle d'un militant visionnaire, qui ne lâchera jamais le PS ni les racines de son territoire, où son expertise et sa sagesse faisaient merveille. Et manqueront longtemps.

Pascal SALCIARINI