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Sommet social : pour quoi faire ? ( L'Alsace, ER, RL, VM - France-Monde / Me. 11 Juillet 2018 )

Publié le 11/07/2018

Les partenaires sociaux se réunissent aujourd'hui pour définir ensemble des priorités communes de négociations. Mis à mal par la méthode Macron, ils veulent s'affirmer face à l'exécutif.

 

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À défaut de se sentir écoutés par le chef de l'État, les partenaires sociaux ont décidé de s'entendre entre eux. Les principales organisations patronales et syndicales se réunissent ce matin à Paris pour montrer à l'exécutif qu'elles peuvent travailler ensemble sur des priorités communes. À l'annonce de cette initiative, Emmanuel Macron, le président de la République, a fini par les inviter à l'Élysée, le 17 juillet prochain. Une première depuis le début du quinquennat, alors que les « Sommets sociaux », où l'État fixe un cadre de négociations, étaient fréquents sous son prédécesseur François Hollande.

Casting inédit
 

Aujourd'hui, les partenaires sociaux vont tenter de définir un « agenda social » - une série de sujets sur lesquels ils peuvent discuter ensemble. La rencontre réunira pour la première fois le nouveau « casting » du dialogue social issu des scrutins de ces derniers mois. Geoffroy Roux de Bézieux vient d'être élu président du Medef. Laurent Berger a été conforté à la tête de la CFDT lors du dernier congrès du syndicat en juin. Et Pascal Pavageau a été élu nouveau secrétaire général de FO en avril dernier.

Reste à s'organiser pour peser face à un Emmanuel Macron qui, depuis le début de son quinquennat, fait peu de cas des corps intermédiaires. Au point de hérisser aussi bien du côté patronal que du côté syndical. Pour Pascal Pavageau, la « méthode Macron » c'est « je pense donc tu suis ». Laurent Berger, numéro un de la CFDT, multiplie aussi les critiques, estimant qu'il « n'y a pas de politique sociale digne de ce nom dans notre pays depuis le début du quinquennat ».

Côté patronal, Geoffroy Roux de Bézieux est également sceptique : « On voit bien qu'il y a un problème de vitesse. Ce gouvernement va très vite, propose énormément de réformes. On a du mal à suivre ». Pour l'avenir, les syndicats s'inquiètent d'une refonte des aides sociales, de la future réforme des retraites, d'une remise en cause du statut des fonctionnaires, quand le patronat critique le prélèvement de l'impôt sur le revenu à la source.

« Un nouveau contrat social »
 

Lors de la rencontre du 17 juillet à l'Élysée, Emmanuel Macron promet de « jeter les bases d'un nouveau contrat social, celui du siècle qui s'ouvre ». Le Président invite les partenaires sociaux à participer à « son élaboration comme au détail de sa mise en œuvre ». Dans son discours au Congrès, à Versailles lundi, il a esquissé une feuille de route. Au menu notamment : réviser les règles de l'assurance-chômage pour encourager le retour à l'emploi. Il a également dit vouloir aborder « la santé au travail » dans « un esprit constructif ». Sans compter les autres piliers du nouveau modèle social : les retraites et la dépendance.

 

 © L'alsace, ER, RL, VM Mercredi le 11 Juillet 2018 

Ce gouvernement ne négocie pas


Stéphane Sirot Historien, spécialiste du syndicalisme

Quel est l'enjeu de la rencontre d'aujourd'hui entre les partenaires sociaux ?
 

Elle a pour but de renouer les fils du dialogue social qui s'est enrayé au niveau national. Le gouvernement actuel « concerte », mais ne « négocie » pas. L'objectif, pour les partenaires sociaux, est d'exister face à un président de la République qui fait comme si les corps intermédiaires n'existaient pas. L'enjeu est plus fort pour les syndicats réformistes comme la CFDT, qui ont besoin d'un interlocuteur politique pour négocier, et moins important pour la CGT qui est dans une posture conflictuelle.

Sur quoi peuvent-ils s'accorder ?
 

Les partenaires sociaux peuvent définir un « agenda social », c'est-à-dire un ensemble de sujets sur lesquels ils peuvent négocier de façon autonome du pouvoir politique, dont ils peuvent discuter avant qu'une loi soit envisagée. Mais en France, c'est l'État qui fait le droit social. Syndicats et patronat peuvent discuter retraites ou pauvreté, mais le cadrage général vient de l'exécutif.

Emmanuel Macron va finalement les recevoir à l'Élysée le 17 juillet. Est-ce le signe d'une inflexion de sa politique ?
 

Le président vit un moment difficile. Il commence à recevoir des critiques au sein même de sa majorité, et subit un décrochage dans l'opinion publique pour son manque de politique sociale. Emmanuel Macron a sans doute besoin de mettre en scène son écoute des corps intermédiaires. S'il s'agit d'un simple affichage, sans réelle inflexion du pouvoir, cela risque de ne pas changer grand-chose. Or Emmanuel Macron n'est pas social-démocrate. Il ne mise pas sur une forme de colégislation avec les partenaires sociaux... En revanche, il va avoir besoin de s'appuyer sur la CFDT pour la réforme des retraites. Ce rapprochement s'explique peut-être par l'arrivée de cette réforme qui s'annonce délicate.