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Deux conseils d'administration concurrents devant la justice ( L'Alsace, DNA - Economie / Me. 21 Mars 2018

Publié le 21/03/2018

Depuis l'automne, deux conseils d'administration (CA) - composés, à parts égales, de représentants du patronat et des syndicats « représentatifs » (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC) - se disputent la gouvernance d'Arpège Prévoyance. Le 31 janvier, le tribunal de grande instance de Mulhouse, saisi en référé, a interdit la tenue de toute nouvelle réunion, de l'un comme de l'autre, en attendant une décision sur le fond de l'affaire, qui a été examiné hier matin.

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Les avocats des administrateurs fidèles à AG2R et celui des « dissidents » ont plaidé leur cause, hier matin, devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, qui se prononcera le 25 mai. 

Christian Munsch et Jean-Camille Gallay, respectivement vice-président et président du conseil d'administration fidèle à AG2R. Les administrateurs et cadres présents n'ont pas souhaité s'exprimer à l'issue de l'audience,

 

Pour rappel, le groupe mulhousien Arpège - composé d'Arpège Prévoyance et de Muta Santé - a rejoint Réunica en 2010, qui s'est lui-même rapproché d'AG2R en 2015. Arpège Prévoyance et Muta Santé ont conservé leur autonomie juridique, mais les salariés, qui sont communs aux deux entités, ont pour employeur un unique GIE (groupement d'intérêt économique).

« Sept mois de manoeuvres »
 

Il y a un an, le CA d'Arpège Prévoyance décidait de reporter l'adhésion à la société de groupe assurantiel de protection sociale (Sgaps) AG2R-La Mondiale, qui devait être mise en place en vertu d'une directive européenne (Solvabilité II) visant à consolider les fonds propres des compagnies d'assurances. En juin, le CA de Muta Santé rejetait à son tour l'adhésion à cette Sgaps. En septembre, constatant un « désaccord stratégique », le GIE licenciait Stéphane Demuth, directeur général d'Arpège Prévoyance et Muta Santé depuis plus de vingt ans, mais le CA de Muta Santé le rétablissait deux jours plus tard dans ses fonctions, avant de décider la sortie du groupe AG2R, prévue pour fin 2018.

Pour éviter un scénario identique chez Arpège Prévoyance, AG2R a demandé aux confédérations syndicales de retirer leurs mandats aux administrateurs dissidents, emmenés par Eric Furlan (FO), et d'en nommer de nouveaux. C'est ainsi qu'est né, le 13 décembre, un CA « bis », présidé par Jean-Camille Gallay (CGT).

Hier, les débats ont principalement porté sur un point : quel niveau, au sein d'une organisation syndicale, détient le pouvoir de mandater ses représentants à un CA ? Pour Me Karm, qui représente la ligne Furlan-Demuth, seules les unions locales, qui avaient nommé les administrateurs d'Arpège, pouvaient leur retirer leurs mandats. La partie adverse, représentée par Me Gaillard, Lafarge-Sarkozy et Selnet, estime qu'en cas de litige, le national l'emporte forcément sur le local. Si la proximité a favorisé, dans les usages, une relation directe avec les unions locales, « le syndicat constitue un tout » et la hiérarchie s'impose in fine. Du côté d'AG2R, les avocats dénoncent « sept mois de manoeuvres » et s'interrogent sur la finalité de cette « entreprise de sécession ». Écartant la thèse des « intérêts personnels », ils penchent pour un projet de rapprochement avec un autre groupe d'assurances, que la directive Solvabilité II rendrait indispensable.

AG2R fait le ménage
 

De même, Me Gaillard souligne que « Muta Santé ne peut vivre sans Arpège Prévoyance », qui doit donc elle aussi sortir du giron d'AG2R, dans la logique du duo Furlan-Demuth.

Les deux parties s'accordent au moins sur un point : la situation « ubuesque » dans laquelle se trouve aujourd'hui Arpège Prévoyance. Or, le tribunal ne rendra sa décision que le 25 mai prochain. « Ça va être long pour les salariés », regrette Delphine Fuhry, délégué CFDT, qui fait état de nombreux arrêts de travail, notamment pour dépression.

Pendant ce temps, l'épuration des cadres de l'équipe Demuth se poursuit : après le directeur comptable et financier, ce sont le directeur de la gestion, la directrice technique et le responsable commercial, qui font l'objet de procédures de licenciement pour faute grave, à savoir leur « déloyauté » vis-à-vis du GIE.