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Les combats d'Alain Gatti ( RL, ER - Région / Sa. 2 Décembre 2017 )

Publié le 04/12/2017

Alain Gatti, ex-instituteur, a intégré la commission exécutive régionale de la CFDT en 2001. Après 11 ans à la tête de la CFDT Lorraine, Alain Gatti, sur le départ, salue le syndicalisme réformiste qui se met à la page du Grand Est. 

 

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L'épisode remonte à 2001. Pour Gatti, c'était hier : « Je sortais tout juste du congrès CFDT Lorraine à Madine. Auparavant, j'avais été mobilisé par un mouvement d'instituteurs. Jean-Louis Malys, tout juste élu secrétaire régional, me rattrape et m'embarque avec lui. Direction Bataville. Le 6 juin au soir, j'étais sur le piquet de grève des Bata. 810 personnes venaient d'être jetées à la rue. Un choc ! » Et un tournant dans l'engagement syndical de l'ex-instit. Venu à la CFDT lors de ses études à l'École normale à Montigny-lès-Metz, il croise en 1978 Roger Cayzelle. Nicole Notat est alors responsable du Syndicat général de l'Education nationale Sgen 54. Cayzelle reviendra plus tard le trouver pour lui proposer « un bout de décharge syndicale à temps plein ». « Il m'a dit : "c'est pour un an seulement"... »

École d'émancipation
 

Élu en 1987 secrétaire général du Sgen-CFDT, Alain Gatti intègre en 2001 la commission exécutive régionale. Puis succède en 2006 à Jean-Louis Malys, appelé à la confédération par François Chérèque, qui le charge du volumineux dossier des retraites. En Lorraine, les crises se succèdent : Daewoo, Bata, Gandrange, Florange... « Notre engagement était double. Porter une exigence de reclassement pour les salariés et anticiper les évolutions du territoire lui permettant de rebondir. Les 10 000 emplois maintenus ou créés du Pacte Lorraine ne sont pas rien. »

Les clés à Toussaint
 

Pour Gatti, le dossier Florange illustre la mue de la CFDT : « On est passé d'un discours contestataire à la recherche de résultats concrets. » Sur le point de céder son siège, le jeune sexagénaire ne tourne pas la page pour autant. Il s'est lancé dans la rédaction d'un ouvrage dans lequel il retrace l'histoire lorraine du syndicat de 1962 à 2017. Un demi-siècle qui a précipité la perte de 150 000 emplois et attisé les conflits.

À l'heure du bilan, Alain Gatti confesse une certaine fierté. Entre humanisme et pragmatisme. « On fait bouger le quotidien des gens. Sans oublier les nouveaux acquis âprement négociés : entre 2004 et 2016, 110 000 Lorrains sont partis à la retraite pour carrière longue. » De cette « formidable école d'émancipation » que constitue à ses yeux le syndicalisme, l'ex-instit, membre du Ceser (conseil économique, social, environnemental régional), retient « la richesse des gens », comme « le visage de cette salariée de Bata qui dit sa détermination à vouloir apprendre ». Lundi, il remettra à Dominique Toussaint les clés de la maison CFDT, pour lui succéder à la tête d'une centrale désormais réorganisée à l'échelon Grand Est.


 

 

© L'Est Républicain, Dimanche le 03 Décembre 2017 / Lorraine 

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CFDT : Alain Gatti passe le flambeau 

Alain Gatti  le secrétaire régional CFDT, passe la main cette semaine à Dominique Toussaint.

 

Des mâchoires carrées d'Édouard Martin le sidérurgiste de Florange, à la rondeur d'Alain Gatti l'ex-instit de Longeville-lès-Metz, la tentation est forte de caricaturer les deux extrêmes de la maison CFDT. Voilà qui tombe bien : le second exècre les postures par trop évidentes, répugne aux idées toutes faites. Alors, à l'heure de clore, la semaine prochaine, le rideau d'une CFDT Lorraine qu'il dirige depuis douze ans, autant enfoncer le clou une bonne fois pour toutes. « Chacun sa légitimité, c'est pour ça que ça marche chez nous : le combat dans les entreprises accompagne la nécessité de faire bouger les lignes au dehors. Édouard Martin et moi-même sommes 100 % solidaires de nos actions respectives ».

Sur fond de restructuration régionale, le syndicat tourne une page majeure et sera, dès mardi, dirigé dans le Grand Est par Dominique Toussaint, jusqu'alors en charge des dossiers conditions de travail et formation. Alain Gatti, 60 ans, marié, père de trois enfants (35, 30 et 24) et grand-père d'un petit-fils de quatre ans, programme de « prendre soin » de lui. Pas question d'envisager, dans le cas présent, l'envie de tester le jogging ou de planter sa gaule au bord des rivières, l'ancien instit'Sgen de Moselle, repéré successivement par Jean-Louis Malys, Roger Cayzelle (ex-président du CESEL) et Nicole Notat (ex-numéro 1 CFDT) a d'autres desseins : l'engagement associatif et l'écriture d'un ouvrage, notamment, pour boucler la boucle. Le titre s'entoure d'un parfum conceptuellement cédétiste, ce qu'assume son auteur. « Une permanence de valeurs et de combats » couvrira la première page. « Quand on est syndicaliste, on ne convainc personne si on ne vend que de la posture sans l'analyse derrière », défend cet homme de foi, jamais pris à défaut de facilité dans ses convictions personnelles, capable de battre le fer de la négociation sans jamais se départir d'un esprit (auto) critique revendiqué.

« Contribué à faire bouger les lignes »
 

Les dernières années placent son syndicat en première position nationale aux élections professionnelles, devant la CGT, avec près de 85.000 adhérents revendiqués dans le Grand Est : 38.000 en Lorraine, 30.000 en Alsace, 17.000 en Champagne-Ardenne. Alors, avant de ressentir l'émotion du départ, Alain Gatti se plonge dans les chiffres avec l'impression d'avoir « en toute modestie contribué à faire bouger les lignes dans le territoire ». Les 110.000 salariés bénéficiaires des carrières longues depuis 2004 à l'époque où la position CFDT avait été décriée. Puis les effets du Pacte Lorraine : 3.400 emplois créés, 5.000 maintenus, ou encore la casse limitée autour de Florange, sans licenciements secs.

Homme de nuances dans un syndicat de nuances, Alain Gatti sait que les chiffres ne sont que la partie visible d'un iceberg contestable par définition. Son credo : « Le rapport de forces syndical se gagne avec la force de la mobilisation » argumente-t-il. « Mais aussi la pertinence des propositions ».