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RETRAITE : les bûcherons revendiquent un départ à 55 ans (L'Alsace / VENDREDI 24 JANVIER 2020)

Publié le 24/01/2020

Les bûcherons exercent un des métiers les plus accidentogènes, avec une espérance de vie à 62,5 ans. La loi ne leur reconnaît pourtant pas de pénibilité qui leur ouvrirait le droit à un départ anticipé à la retraite. En lutte depuis longtemps, la CFDT ne lâche pas l’affaire.

C’est un vieux combat de la profession de bûcheron que des syndicalistes CFDT ont décidé de réactiver à l’occasion, notamment, du débat sur la retraite : faire acter de la pénibilité du métier et obtenir une cessation d’activité à 55 ans.

Une loi le prévoyait déjà en 2014 uniquement pour l’Alsace-Moselle.../.... Sauf que le texte précisait qu’il était donné un an aux partenaires sociaux pour trouver le financement du dispositif… Ça vous rappelle quelque chose ?

Les négociations n’ont jamais démarré, le texte n’a jamais été appliqué. Mais le rêve s’est ancré dans la tête des bûcherons, d’autant plus qu’une partie d’entre eux, les « domaniaux » qui dépendent de l’ONF, bénéficient du départ à 55 ans. Un « avantage » prévu dans un accord d’entreprise qui s’arrête en 2020. « Le nouveau directeur a dit que le dispositif ne serait pas prolongé », déplore Patrick Bangert, responsable syndical CFDT.

Depuis 2014, le président du Sivu bas-rhinois se bat aux côtés des bûcherons .../... « J’ai dix ouvriers bûcherons et 10 500 heures travaillées. Chaque année, j’en enlève 2 000 pour absences, principalement dues à des maladies professionnelles. » Il constate que le métier bénéficie d’un « nouveau regain d’intérêt chez les jeunes », mais qu’il faut leur proposer une carrière acceptable. « Dans mon équipe, la moyenne d’âge était de plus de 55 ans. Elle est aujourd’hui de moins de 50 ans. J’ai cinq anciens et cinq jeunes. » Le maire revendique « la cessation d’activité anticipée pour pénibilité ».

Pour l’Alsacien Patrick Bangert, c’est aussi un ancien combat.

« Cela fait plus de dix ans qu’on se bat. On a rencontré des élus locaux, Marisol Touraine, Stéphane Le Foll… »

Cette fois, il rappelle l’état sanitaire dégradé des forêts, les arbres malades du réchauffement climatique. .../.... Et aujourd’hui, les branches sèches, principalement aux cimes des arbres, cassent plus facilement, avec le risque de tomber, d’une grande hauteur, sur un bûcheron ou un promeneur. .../.....

« Un bûcheron meurt tous les six mois en Alsace »

« Ils ont parlé partout des onze morts d’un accident du travail au Mali. Nous, personne n’en parle ! »,

s’emporte Bernard Schildknecht, bûcheron au Sivu de Sélestat et syndicaliste.

François Mourot, bûcheron retraité CFDT, ajoute : « En quarante ans de métier, j’ai perdu cinq collègues proches, tous en fin de carrière. »

un bûcheron sur vingt n’arriverait pas au bout de sa carrière du fait d’un accident ou d’une maladie professionnelle.

Et ajoute que dans la tranche entre 60 et 62 ans, il y a six fois plus d’accidents. Les syndicalistes précisent encore que huit bûcherons sur dix ont la maladie de Lyme. C’est le cas de Michael, 44 ans, pour lequel la CFDT a obtenu, il y a deux ans, la reconnaissance en maladie professionnelle. Bernard Schildknecht complète le tableau : « On a un taux de cotisation à la caisse accidents à 12 %… On est au-dessus du BTP à cause de la gravité des accidents chez nous ! »

La bataille pour l’âge du départ à la retraite prend tout son sens quand on sait aussi que l’espérance de vie dans cette profession est de 62,5 ans…/...

Michael Grob est le jeunot du groupe. « À 44 ans, je suis déjà cassé de partout ! »

Les bûcherons travaillent par deux ou par trois. .../.... Leur journée, c’est du 8 h-16 h, avec une pause déjeuner d’une heure et une pause casse-croûte d’un quart d’heure.

Daniel Satre-Buisson et Gilles Weibel, tous les deux 58 ans, ont 43 ans de métier ; à 44 ans, Michael Grob est le jeunot du groupe, avec 28 ans de métier. .../.... Gilles parle de son « arthrose aux épaules », de ses genoux « foutus… À notre âge, on n’est plus en état de monter sur des pentes raides avec 15 kg de matériel à porter. Mes godasses, c’est déjà 5 kg la paire ! » Il raconte encore que dans la vallée de Thann, il y avait 120 bûcherons en 1977 et qu’ils ne sont plus que six. Dans deux ans, ils ne seront plus que deux… « Le travail va être fait de plus en plus par les ETF, les entreprises privées de travaux forestiers.

Eux, ils s’en foutent de préserver la jeunesse de la forêt ! »

Le représentant syndical CFDT Patrick Bangert explique que ces privés ont « du mal économiquement, alors ils ne regardent pas sur l’environnement et essaient d’aller au plus rentable, quitte à mettre leur vie en danger ». .../....

Si Michael « aime » son métier, il affiche une mine soucieuse et déclare : « Je suis déjà cassé de partout ! » Il parle d’une fracture à un genou, de la calcification de l’autre et de sa maladie de Lyme..../....

Patrick Bangert Patrick Bangert, ancien bûcheron domanial et responsable syndical CFDT, se bat depuis dix ans pour obtenir la reconnaissance de la pénibilité du métier