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Barème Macron, l’Etat français en contradiction avec le droit international.

Publié le 11/04/2019

Le Conseil des Prudhommes de Troyes a été le premier à rendre plusieurs décisions qui retoquent les barèmes Macron, et dernièrement le syndicat des transports de l’Aube a déposé une réclamation auprès du BIT (Bureau International du Travail) toujours dans l’optique de contester ces barèmes. Retour sur l’action de la CFDT.

Patrice HuartPatrice HUART, secrétaire adjoint du syndicat SGTE 10, président du Conseil des Prud’hommes de Troyes en 2018 (présidence tournante) répond à nos questions.

 Q : Quel a été le rôle de la CFDT dans les événements que nous venons de citer ? 

R : la CFDT s’est toujours opposée au plafonnement des indemnités quand un licenciement est reconnu abusif par la justice. Au moment des débats sur les ordonnances Macron, notre organisation a largement communiqué dans la presse nationale, de France 2 au Monde. Le retentissement dans le monde du travail a été national, voir même au-delà, compte-tenu de l’importance que donnait le Président qui avait cédé aux revendications patronales. Le préjudice subi, apprécié par les conseillers prud’homaux, autrement dit des juges, devenait plafonné par la loi, avec pour unique critère l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. C’est inadmissible car contraire au principe de justice.

 Q : Comment tu as pu agir en tant que président du CPH de Troyes ? 

R : de par ma fonction de président, je n’ai pas à commenter les décisions de mes collègues, mais quand la prud’homie est attaquée je sors de ma réserve et défend l’institution.

Lors de l’audience solennelle en janvier 2019, j’avais exprimé mon désaccord en tant que juge et mandaté d’une OS, car un préjudice doit-être apprécié à sa juste valeur, ce qu’interdisent les ordonnances de 2017. J’avais étayé mon propos en prenant appui sur le droit international. Les conseillers patronaux avaient rejoint notre position en donnant un avis défavorable à l’application de ces barèmes.

 Q : Tu es allé, au nom du syndicat des transports de l’Aube, avec d’autres syndicats, déposer à Genève une réclamation auprès du BIT. Tout d’abord qu’est-ce que le B.I.T. et pourquoi s’adresser à lui ? 

R : Le Bureau International du Travail (BIT) est le secrétariat permanent de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). C’est un organisme mondialement reconnu, qui fête ses 100 ans cette année, et qui est rattaché à l’ONU. Sa mission est de promouvoir les droits au travail, encourager la création d'emplois décents, développer la protection sociale et renforcer le dialogue social. Les états tels que la France se sont engagés à respecter les conventions qu’ils ont ratifiées.

Selon la convention n°158, La France n’aurait jamais dû inscrire ces barèmes dans sa loi !

 

 Q : Qu’est-ce qu’on peut attendre de cette démarche ? 

R : Le BIT peut faire le constat que la France viole les articles de cette convention n°158 de 1982, qui indique que dans le cadre d’un licenciement injustifié, les juges devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation appropriée.

 Q : Et qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ? 

: Le BIT doit se réunir en juin et septembre, il devrait se prononcer sur une éventuelle action auprès de l’Etat français, qui peut aller jusqu’à des sanctions au cas où la France n’entendrait pas mettre sa législation en conformité avec les stipulations de l’OIT.

 Q : Est-ce qu’il est vraiment nécessaire de faire appel au BIT ? 

R : Oui, c’est nécessaire. Depuis les jugements rendus à Troyes puis ailleurs, le Ministère du Travail a remis en cause les compétences des juges CPH, ce qui a semé un vent de colère parmi les conseillers qui ont dénoncé cette attitude méprisante. Malgré cela, le gouvernement persiste et demande aux Procureurs généraux d’intervenir lors des audiences en appel sur les jugements en question.

Le premier jugement (CPH de Troyes) prononçant l’inconventionalité du barème a fait l’objet d’un appel, l’audience est prévue le 17 juin devant la cour d’appel de Reims. La Confédération CFDT a décidé d’intervenir volontairement dans le cadre de cette affaire afin de faire valoir ses positions.

Toute décision de l’OIT qui va dans notre sens, et nous avons bon espoir, sera un appui supplémentaire pour notre organisation, qui tient à faire entendre sa voix.

Propos recueillis par Rémi Bardeau