CDD : un salarié peut-il remplacer plusieurs salariés absents avec un seul contrat ?

Publié le 30/11/2021 (mis à jour le 10/05/2023)
par Service juridique - CFDT

Le législateur a décidé de reconduire l’expérimentation du contrat à durée déterminée (CDD) et du contrat de travail temporaire (CTT) « multi-remplacement » qui a eu cours en 2020, en pleine période Covid.

C’est l’occasion de rappeler la règle de principe, et maintenant l’exception, permettant de recruter un salarié en CDD ou CTT pour pallier différentes absences dans l’entreprise.

Non, en principe il n’est pas possible de remplacer plusieurs salariés absents avec un même CDD ou CTT ! Mais par exception, du 13 avril 2023 au 13 avril 2025, un remplacement multiple est autorisé dans 66 secteurs définis par décret.  

Le principe : 1 CDD/ CTT = 1 (SEUL) REMPLACEMENT ! 

Pour rappel, le CDI est « la forme normale et générale de la relation de travail » (1). Le Code du travail encadre donc strictement le CDD et prévoit qu’il est seulement possible d’y recourir « pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire », notamment pour le remplacement « d’un salarié », nommément désigné dans le CDD, en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

En théorie, cette règle permet d’éviter l’embauche en contrat précaire d’un « super remplaçant », qui serait en définitive le signe d’un déficit structurel de personnel dans l’entreprise. Autrement dit, elle empêche de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, interdit par l’article L. 1242-1 du Code du travail (2). A défaut, le salarié peut obtenir la requalification de son contrat en CDI devant le conseil de prud’hommes.

Exception : le CDD/CTT « multi-remplacement »

La loi "Avenir professionnel" du 5 septembre 2018 avait autorisé, à titre expérimental, la conclusion d’un CDD/CTT unique pour remplacer plusieurs salariés absents. Cette expérimentation, alors limitée à 11 secteurs d’activité (sanitaire, social et médico-social – propreté- restauration collective…) a été en vigueur entre le 20 décembre 2019 et le 31 décembre 2020.

La loi « Urgence marché du travail » du 21 décembre 2022 reconduit cette expérimentation. Le décret n°2023-263 du 12 avril 2023 à largement augmenté la liste des secteurs concernés, passant de 11 à 66, employant au total plus 9.6 millions de salariés...

 

Les organisations syndicales ont rendu un avis défavorable sur le projet de décret. La CFDT a critiqué le périmètre très large de l’expérimentation, sans critères préalables ni obligation de négocier sur la qualité de l’emploi, ainsi que l’insuffisance de l’évaluation prévue au terme de l’expérimentation.
L’approche retenue s’apparente davantage à une dérogation temporaire qu’à une réelle démarche d’analyse...

La loi se contente de prévoir que « l'expérimentation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ». De nombreuses questions pratiquent se posent, raison pour laquelle  le ministère du travail à mis en ligne, dans une FAQ, ses recommandations sur différents sujets très important (durée du CDD/CTT, remplacement successifs, postes concernés, horaires, bulletin de paie, inaptitude…). Une analyse juridique de cette FAQ sera publiée prochainement sur notre site.   

 

(1) Art.L.1221-2, C.trav.

(2) Voir notamment cass.soc.09.06.17, n°15-28599.

(3) Cass. soc.17.11.2021, n° 20-18.336. 

(4) Art. L.1244-1, C.trav.

(5) Le délai de carence, prévu par l’article L.1244-3 du Code du travail, s’applique pour une succession de CDD sur un même poste, tandis que le délai d’attente, prévu par la circulaire DRT n°92-14 du 29 août 1992, s’applique pour une succession de CDD avec un même salarié sur des postes différents.

(6) C’est ce qui a été jugé par exemple dans le cas de la conclusion d’environ 300 CDD de remplacement sur une période de 6 ans pratiquement sans interruptions ! Cass.soc.29.01.20, n° 18-23.469.