Harcèlement au travail : la difficile reconnaissance ( RL - SRB / Me. 13 Décembre 2017 )

Publié le 13/12/2017

Plusieurs ex-employées d'une entreprise de Sarrebourg se plaignent de harcèlement moral au travail. Des faits difficiles à prouver, déplore la CFDT. Sur place, les responsables évoquent des conflits extérieurs à l'usine.

 

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Gérard Saint-Eve, représentant de l'antenne sarrebourgeoise de la CFDT, a été sollicité par des ex-salariés d'une entreprise locale pour des faits de harcèlement moral. Le plus dur pour les plaignants, dans ces affaires, est d'apporter des preuves de ces actes. 

Est-il normal de venir travailler avec une boule au ventre ? De pleurer chaque soir quand on rentre à la maison après une journée de boulot ? C'est ce dont se plaignent plusieurs ex-salariées d'une entreprise de Sarrebourg. Elles préfèrent garder l'anonymat, de crainte de subir des conséquences lors de leurs prochaines recherches de travail.

Elles ont sollicité l'antenne locale de la CFDT, dirigée par Gérard Saint-Eve, pour raconter leur perception de leur quotidien. Et il n'est pas rose.

Dans cette entreprise locale, le travail est dur. Il est très peu mécanisé et nécessite une main-d'oeuvre féminine peu qualifiée. Le rythme de travail est soutenu durant tout le poste.

« Le harcèlement se traduit par des manipulations, des équipes montées les unes contre les autres, des mots déplacés et des insultes, mais jamais en face, déplorent les témoins. Si ta tête ne revient pas, alors la pression est continuelle. »

Le dénigrement est aussi utilisé. « On nous dit que notre poste ne sert à rien, qu'on est incompétente. Notre vie personnelle, via les réseaux sociaux, est utilisée pour s'en prendre à nous. On est fliqué sur internet. Ça pèse au quotidien, c'est épuisant. »

« On est écrasées, rabaissées »
 

La direction du groupe a bien été alertée des présumés agissements des dirigeantes locales. « Ça n'a rien changé. Ces personnes sont protégées. Ça se fait sans témoin. La plupart d'entre nous sommes des femmes en situation de fragilité. La directrice en abuse. On l'a déjà entendu dire que "le personnel, on l'a à l'usure". »

« Les conditions de travail sont dures. On est écrasées, rabaissées continuellement, montées les unes contre les autres. On a même reçu des consignes pour ne plus parler à l'extérieur de ce qui se passe à l'usine, pour préserver l'image de la société. »

Il y a un an et demi, une plainte avait été déposée au commissariat de police de Sarrebourg. Faute d'éléments concrets et de preuves formelles, elle a été classée sans suite.

 

 © Le Républicain Lorrain, Mercredi le 13 Décembre 2017 / SRB / 

Trois questions à Gérard Saint-Eve, de la CFDT

 
 

La CFDT a-t-elle déjà été sollicitée par des salariés de cette entreprise ?

 

Gérard Saint-Eve : « Nous la connaissons bien. Nous défendons quatre cas d'anciennes salariées au tribunal des prud'hommes. Deux ont été réglés. Un a été gagné partiellement, l'autre totalement. Deux autres dossiers sont en cours. Trois autres personnes nous ont aussi sollicités, mais n'ont pas donné suite. Dans ces affaires, il ne s'agit pas de harcèlement, mais de respect du code du travail. »

Ces personnes ont-elles évoqué le harcèlement moral ?

 

« Le problème de harcèlement moral a été abordé. Mais nous ne pouvons pas solliciter les prud'hommes pour cela. C'est suffisamment bien fait pour qu'il n'y ait pas de preuves. Parole contre parole, ça ne peut aboutir à rien. Et nous n'arrivons pas à obtenir des témoignages plus nombreux pour étayer les dires. La majorité des travailleuses ont besoin de leur travail, et préfèrent se taire. »

Il est donc impossible de prouver le harcèlement ?

 

« Dans cette affaire, pour que ça bouge, il faudrait qu'il y ait une dizaine de témoignages précis. Le problème est qu'ils ne doivent pas être anonymes. Si plusieurs plaintes sont déposées, ça pourrait conduire le représentant du procureur de la République à se poser des questions. Mais là, il n'y a pas assez d'éléments. »