Le préjudice d'anxiété des anciens mineurs lorrains définitivement reconnu (La Croix / MERCREDI 21 avril 2021)

Publié le 23/04/2021

L'État ne se pourvoit pas en cassation après le jugement de la cour d'appel de Douai favorable aux 728 anciens mineurs multi-exposés aux risques.

Une victoire qui pourrait être utilisée par des salariés exposés aujourd'hui.

C'est le point final de huit an­nées de combat. 728 anciens mi­neurs lorrains, fédérés et soutenus par la CFDT-mineurs .../..., ont définitivement obtenu la reconnaissance de leur préjudice d'anxiété, pour avoir été exposés à des cancérogènes et des toxiques leur laissant craindre légitimement des maladies graves. Si la réparation du préjudice d'anxiété est admise par la justice depuis 2010, cette affaire est la première concernant des multi-expositions aux risques, et pas seulement à l'amiante.

D'un  point de vue  procédural, les derniers jugements remontent à janvier et février. Mais l'avocat de l'Agent  judiciaire de l'État (AJE) qui  représente leur ancien em­ployeur - les Houillères du bassin de Lorraine, puis Charbonnages de France de 2004 à 2007 - depuis que cessociétés ont été liquidées, vient de faire savoir qu'il ne se pourvoirait pas en cassation. L'État n'a donc désormais plus d'autre re­cours.

Pour les plaignants, c'est  l'épi­logue d'un douloureux marathon judiciaire, marqué notamment par de nombreux décès.

À l'origine, ils étaient plus de 800 - une partie d'entre eux s'est arrêtée en 2016 - à avoir saisi le conseil des prud'hommes en 2013. Ils ont obtenu une première indemnisation de 1000 € par personne en 2016 avant d'être déboutés par la cour d'appel de Metz en 2017. Cette décision avait ensuite été cassée par la Cour de cassation en 2019, qui avait renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Douai en septembre 2020.

Concrètement, tous les plai­gnants ou leurs veuves seront indemnisés à hauteur de 10 000 € chacun. La cour d'appel de Douai n'a pas fait de distinction entre les différentes situations, même si elle a produit deux jugements types - un pour les mineurs de fond, un pour les mineurs de jour.

Tous sont indemnisés pour leur préjudice d'anxiété, c'est-à-dire non  pas pour leur état de santé, mais pour  avoir été exposés à une inquiétude permanente de déclarer des maladies graves.

Dans les faits :

  • 316 cas de maladies professionnelles ont été reconnus parmi les plaignants soutenus par la CFDT et
  • une quarantaine sont décédés pendant les huit années de procédure, avec une moyenne d'âge de 68 ans.

Cette décision, majeure pour les plaignants, aurait pu concerner bien davantage d'anciens mineurs (selon la CFDT, jusqu'à 100 000 anciens salariés des Houillères sont encore en vie en France). Mais beaucoup se heurtent à la question de la prescription, réduite à plusieurs reprises ces dernières années, pour n'être plus que de deux ans depuis 2014.

C'est sur ce point désormais que le combat des mineurs de la CFDT continue.

Reste que cette décision judi­ciaire ouvre d'ores et déjà

'' des perspectives nouvelles pour tous les salariés exposés à des substances nocives ou toxiques générant un risque élevé de développer une pathologie grave »

et est à même

"d'influencer tous les contentieux sur les risques professionnels opposant les salariés à leur employeur, qu'il s'agisse ou non de l'État, sur la question des responsabilités dans la survenue des maladies profession­nelles et du préjudice d'anxiété»,

estime le délégué syndical CFDT François Dosso.

.../....