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Comment aider le travailleur reconnu inapte ou en situation de handicap à conserver un emploi ?

Publié le 19/08/2022

Le maintien dans l’emploi du travailleur handicapé vise à sécuriser son parcours professionnel en prenant en considération les restrictions qui lui sont faites, et en étudiant les possibilités d’adaptation de son poste de travail. Quand ce n’est pas possible, le maintien dans l’emploi implique la recherche de possibilités de reclassement sur un autre poste dans l’entreprise (ou dans une autre entreprise) ou dans l'administration.

Les outils mobilisables sont nombreux mais le maintien dans l’emploi dépend avant tout du signalement précoce des difficultés rencontrées par le travailleur.

L’enjeu est d’autant plus important que la population menacée de désinsertion professionnelle est appelée à croître. L’estimation de 1 à 2 millions de personnes, soit 5 à 10 % des travailleurs concernés à court-moyen terme au niveau national, se base sur différents constats :

  • l’allongement de la durée de la vie au travail,
  • l’augmentation des maladies professionnelles, des maladies chroniques,
  • le progrès médical permettant une activité professionnelle aménagée pour les personnes vivant avec une pathologie chronique évolutive,
  • 75 % des avis d’inaptitude ont pour causes des troubles ostéo-articulaires ou des troubles mentaux avec une augmentation chez les moins qualifiés et les plus âgés.
En pratique

Lorsque le travailleur éprouve des difficultés à se maintenir à son poste de travail, l’équipe syndicale doit en reconnaitre les premiers signes. En effet, pour détecter les travailleurs en difficulté (qu’ils soient en situation de handicap ou non), plusieurs signes peuvent alerter la section syndicale :

  • les signes émotionnels : angoisse, irritabilité, apathie, dépréciation de soi-même, tristesse, hyperémotivité ;
  • les signes physiques : troubles du sommeil, de la mémoire, perte ou prise de poids, mal de dos, fatigue, problèmes digestifs ;
  • les signes de performance : erreurs répétées, difficultés de concentration, perte de mémoire, ralentissements dans les tâches ;
  • les signes sociaux : isolement, désintérêt, détachement, retard, altération des relations interpersonnelles, augmentation des conflits, absentéisme ;
  • les signes comportementaux : consommation d’alcool ou de substance illicite, prise de risques, travail excessif.

Il est donc important d’être attentif aux travailleurs et ce n’est pas toujours aisé : certaines personnes ne disent rien voire cachent leurs difficultés. Il est donc nécessaire d’être en lien et à l’écoute, grâce à des tournées régulières dans les services et les ateliers.

La détection précoce des signaux d’alerte et leur anticipation laissent du temps au travailleur et à l'employeur pour rechercher des solutions durables et satisfaisantes. Les personnes en situation de travail pénible, usante ou à risques demandent une attention toute particulière.

Tout travailleur, même sans reconnaissance particulière, peut demander à rencontrer le médecin du travail pour évoquer avec lui tout problème de santé en relation avec son travail. L’organisation, la régulation, les rythmes de travail et les aménagements techniques sont des solutions envisageables à négocier avec l’employeur. Certaines aides de l’AGEFIPH (privé) ou du FIPHFP (public) sont mobilisables même lorsque le travailleur n’a pas encore de reconnaissance administrative du handicap (RQTH). Par ailleurs, dans le privé, l’article R4624-34 du Code du travail dispose que le salarié peut solliciter une visite médicale dès lors qu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.

Dans le secteur privé, l’action des élus et de la section est facilitée lorsque des mesures ont été négociées préalablement ou un accord a été signé visant à sécuriser les parcours professionnels et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées.

Dans le public, il en est de même lorsqu'un Plan Handicap a été préalablement mis en place.

Toujours dans l’optique d’un accompagnement précoce du travailleur, des dispositifs de droit commun doivent être proposés afin d’éviter l’inaptitude et le licenciement (projet de transition professionnelle, bilan de compétences, VAE ou Validation des acquis de l'expérience, utilisation du Compte personnel de formation).

Lorsque le salarié ou l’agent revient d’une longue maladie, ou lorsqu’une restriction d’aptitude a été prononcée, s’il en est d’accord, la section syndicale peut l’aider à se maintenir dans un emploi :

  • en étant à son écoute pour l’accompagner dans le sens qu’il souhaite ;
  • en l’informant de ses droits ;
  • en lui indiquant les principales démarches à effecteur. Il est à noter que la MDPH a une mission de guichet unique en lien avec les interlocuteurs compétents ;
  • en proposant des solutions d’adaptation de poste ou de reclassement (si les solutions techniques relèvent parfois de spécialistes, la charge et le rythme de travail, l’aménagement des horaires, le fonctionnement en équipe, la répartition des tâches, font l’objet d’une négociation avec l’employeur) ;
  • en donnant des avis circonstanciés et étayés dans des instances adéquates (CSE dans le privé, CHSCT dans la fonction publique). Á cette occasion, il ne faut pas hésiter à mettre en avant la responsabilité et le rôle déterminant des Directions des Ressources humaines et des autres acteurs internes à l’établissement concernant les risques professionnels et la prévention de la désinsertion ;
  • en activant le réseau CFDT, en particulier quand un adhérent ne parvient pas à faire valoir ses droits, le syndicat ou d’autres structures de proximité peuvent apporter une aide ;
  • en faisant circuler les informations pertinentes entre les acteurs
  • en l'informant sur le nouveau CRPE (Contrat de rééducation professionnelle en entreprise) introduit par la loi du 2/08/2021 pour renforcer la prévention en santé au travail (art. 28)

Défendre un travailleur, c’est aussi mettre en avant ses compétences et le capital de savoir-faire qu’il représente.

 

Questions/Réponses

🔶 Quelles sont les solutions permettant à un salarié du privé de conserver un emploi ?

En fonction des restrictions d’aptitude et des recommandations du médecin du travail, les solutions sont de 2 ordres :

    • Le maintien au même poste de travail, avec (si besoin) du matériel adapté, des aménagements concernant l’organisation du travail, les horaires, la charge de travail... Ces mesures nécessitent souvent une étude préalable du poste par l’équipe pluridisciplinaire de la médecine du travail ou Cap Emploi qui a désormais intégré les services d’aide au maintien dans l’emploi. La Sécurité Sociale peut également financer l’essai encadré. L’essai encadré vous permet durant votre arrêt de travail de tester votre capacité à reprendre votre ancien poste de travail, tester un aménagement de poste, tester un nouveau poste de travail, rechercher des pistes pour un aménagement de poste ou une reconversion professionnelle.
    • Le maintien dans l’entreprise, avec un reclassement à un autre poste nécessitant parfois un aménagement, mais aussi de la formation, un temps d’adaptation, de l’accompagnement.

Lorsque le médecin a émis un avis d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise, ou que l’employeur n’a proposé aucune solution de reclassement acceptable, le salarié est licencié. Cap emploi avec Pole Emploi recherchent alors des solutions en dehors de l’entreprise.

🔶 Quelles sont les solutions pour un agent de la fonction publique ?

Selon la même logique que le privé, dans la fonction publique l’adaptation du poste est recherchée en premier. Si ce n’est pas possible, l'agent sera affecté à un autre emploi de même grade, sinon il pourra faire une demande de reclassement sur un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois.

L'agent définitivement inapte peut être mis d'office à la retraite pour invalidité. Il peut bénéficier d’une pension du régime de retraite des fonctionnaires, sous certaines conditions, mais dans certains cas, elle est si réduite, que cette solution est à éviter. En revanche, un agent contractuel ne peut en bénéficier.

🔶 Quelles sont les aides mobilisables ?

Dans le privé, l’offre de services et les aides financières de l’Agefiph (avec CAP emploi) visent prioritairement à compenser le handicap. L’Agefiph finance des surcoûts dans les démarches de préparation, d’accès, de maintien et d’évolution du handicap dans l’emploi (à titre d’exemple, elle ne rembourse pas intégralement l’achat d’un siège ergonomique, mais elle prend à sa charge la différence de coût entre ce siège et un siège ordinaire).

De même dans le public, le FIPHFP finance au cas par cas des aides techniques et humaines. Tous les employeurs publics peuvent en bénéficier.

D’autres aides peuvent provenir d’organismes chargés de la prévention et de la santé des travailleurs :

    • des services de santé au travail (SSTI, SSTA, médecin de prévention),
    • des Caisses d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT),
    • des Caisses d’Assurance Maladie (CNAMTS, CPAM, MSA),
    • d’organismes ayant une mission de service public auprès des personnes handicapées, de leur famille et des citoyens : la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH).

Les aides financières et les modalités d’accompagnement des salariés, des entreprises et des administrations sont nombreuses pour répondre à la diversité des situations. Généralement, ces aides ne sont pas accordées automatiquement et de droit, elles font l’objet d’une prescription prenant appui sur les avis de médecins et d’experts.

Les aides les plus courantes sont les suivantes :

    • l’intervention d'experts pour des conseils ou des techniques de compensation du handicap (études en ergonomie par exemple),
    • le financement de dépenses liées à l’adaptation d’un poste et la mise en œuvre de solution de maintien en emploi,
    • l’aide à la mobilité (l'aménagement d'un véhicule par exemple),
    • la prise en charge précoce de l’avenir professionnel des personnes hospitalisées (avec les équipes COMÈTE France) et la préparation à la réinsertion dans les centres de réadaptation,
    • la reconnaissance de la lourdeur du handicap (pour compenser une perte de productivité pour l’employeur),
    • les pensions d'invalidité ou les rentes AT/MP pour les salariés du privé (accidents du travail/maladie professionnelle),
    • les bilans professionnels,
    • la formation et le tutorat.

🔶 Quelle est la marche à suivre ?

Le maintien en emploi ne se limite pas aux personnes en arrêt de travail mais la question devient cruciale lorsque la reprise s'avère délicate. Dans le privé, la continuité de la relation avec la personne pendant son arrêt et la visite médicale de pré-reprise dès que la personne s’en sent capable, sont des facteurs déterminants de réussite du maintien en emploi.

Le médecin du travail (dans le privé) ou de prévention (dans le public) est un acteur incontournable et un interlocuteur privilégié. Il formule son avis et ses préconisations en prenant en compte les éléments de l’état de santé et du travail au quotidien du salarié.

L’inaptitude médicale au travail peut être prononcée lorsque l’état de santé (physique ou mentale) du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe, en respectant la procédure et les délais fixés par le code du travail (article R 46 24 – 42) pour le privé. Le médecin du travail doit constater préalablement qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est possible. L’avis d’inaptitude à ce poste de travail oblige l’employeur à rechercher un reclassement pour le salarié. Néanmoins, il peut procéder à son licenciement s’il est en mesure de justifier qu'il est dans l’incapacité de proposer un emploi compatible avec les restrictions émises par le médecin, ou que le salarié ait refusé l'emploi proposé.

L’employeur n’est pas tenu de rechercher une solution de reclassement lorsque le médecin a mentionné expressément l’inaptitude à tout poste de travail dans l’entreprise ou dans l'administration.

Dans le secteur privé, lorsque le médecin du travail propose des mesures pour préserver la santé du travailleur, l’employeur qui refuse de les mettre en application doit en donner le motif par écrit et le transmettre au CSE et à l’inspection du travail.

L’avis, les propositions et les conclusions du médecin du travail peuvent être contestés en procédure accélérée au conseil des prud'hommes. Cette action en justice, complexe, ne doit être engagée pour défendre un adhérent en faisant la demande, qu’avec l’accord du syndicat.