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Maureen Kearney, « la syndicaliste » en terre auboise (L'Est Éclair / Vendredi 15 mars 2024)

Publié le 15/03/2024

Invitée de la CFDT Aube lors d’un ciné débat à la Comédie de Saint-Germain, Maureen Kearney a témoigné de son agression retranscrite dans le film
« La syndicaliste ».

.../... Maureen Kearney, lanceuse d’alerte et syndicaliste chez Areva, .../... était invitée par David Bernard, secrétaire général de la section auboise de la CFDT, dans le cadre d’un ciné débat ouvert aux adhérents. Environ 150 personnes étaient présentes pour visionner le film « La syndicaliste » (sorti en 2022 et diffusé dans 40 pays), qui retrace la violente agression, sur fond de dossier secret entre la France et la Chine, dont l’Irlandaise et Française de cœur a été victime le 17 décembre 2012 à son domicile.
Accusée de dénonciation de crime imaginaire, le jugement prononcera, fin 2018, un acquittement laissant une femme brisée et détruite.

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Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que votre histoire ferait l’objet d’un film ?

Je n’y ai pas cru parce que je sortais de six ans d’enfer. J’étais très cassée au niveau professionnel et personnel et il y avait des restes de tout ça, dans ma tête, que je ne valais pas grand-chose. Quand j’ai lu le livre « La syndicaliste » écrit par la journaliste Caroline Michel Aguirre, j’ai trouvé que tout ce qui était dit à mon égard était très positif. Quand le livre est sorti, un de mes amis, Denis Robert, qui est lanceur d’alerte et journaliste, m’a dit, ça va faire un film. Je ne l’ai pas cru. Quelques mois plus tard, il m’a présenté au producteur qui a acheté les droits du livre et un réalisateur qui me dit : « Je crois qu’Isabelle Huppert aimerait bien jouer le personnage. » Je n’y croyais toujours pas. Ce n’est pas possible de passer de rien, d’une « folle », à quelqu’un à qui on s’intéresse. J’étais incrédule.

Comment s’est passée la rencontre avec Isabelle Huppert ?

Je suis allée sur un tournage .../... Isabelle Huppert était vraiment habillée comme moi et avec la perruque, elle me ressemblait vraiment. .../... On a commencé à discuter, .../... C’est quelqu’un de très accessible..../...

Voir votre histoire racontée sur grand écran ne vous a pas effrayée ?

Je n’ai pas eu de crainte parce que j’étais repartie dans un état d’esprit de confiance. Après l’acquittement et la parution du livre, j’étais de nouveau dans la confiance. En fait, je ne me rendais pas compte de ce qui allait se passer. C’était un peu surréaliste. Je ne me considère pas du tout comme une héroïne. Il y a tant de gens partout qui font des choses assez extraordinaires et qui n’ont pas la chance d’être portées par les médias. Je me dis, c'est une voie pour parler des syndicats, des violences faites aux femmes et si on peut parler de ces deux sujets-là, il faut le faire.

Qu’avez-vous ressenti la première fois que vous avez vu le film ?

C’était dur, dur, dur. Le fait de revivre cette histoire et surtout, je ne m’étais pas rendu compte comment mes proches l’avaient vécue :.../... Je suis partie au milieu du film tellement c’était insoutenable. Mes proches, la CFDT, la famille, tous étaient traumatisés.

Le film met en évidence les violences faites aux femmes. C’est une lutte dans laquelle vous êtes engagée aujourd’hui ?

Malheureusement, les moyens ne sont pas là. Dans l’association où je suis, il y a 2 salariés qui font un travail extraordinaire et des bénévoles. Nous sommes dans une petite ville, et sur un an plus de 300 femmes font appel à nous. Le gouvernement parle beaucoup des violences faites aux femmes, mais sur le terrain, il n’y a rien, il y a un manque de moyens terrible. Dans le pays, chaque année, 250 000 femmes agressées dans le cadre conjugal, 100 000 femmes violées et seulement 1% de condamnations. On ne protège pas les plus vulnérables et c’est pour cette raison qu’il faut en parler.

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Très bien. J’estime que j’ai beaucoup de chance. Je suis privilégiée de m’en être sortie. Je connais quelques lanceurs et lanceuses d’alerte qui sont complètement détruits. Je me rends compte aujourd’hui que j’étais vraiment soutenue : 400 salariés m’ont écrit pour me soutenir, c’était touchant. Mais à l’époque, j’avais l’impression d’être seule.

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