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Anxiété des mineurs : nouvelle étape à Paris ( RL / VE. 21 JUIN 2019 )

Publié le 21/06/2019

Ils sont les porte-voix, et le symbole, des travailleurs exposés à l'amiante et aux produits cancérogènes. En lutte contre la maladie, les mineurs de Lorraine mènent un autre combat : faire reconnaître leur préjudice d'anxiété. Le dossier a été évoqué jeudi devant la Cour de cassation.

Ils savent cette bataille judiciaire « compliquée », promet un des premiers mineurs des HBL descendus du bus à Paris, place du Châtelet.

« Nos adversaires sont puissants. On ne nous fera aucun cadeau », prolonge François Dosso, militant CFDT et figure de ces centaines de personnes venues jeudi dans la capitale. Leur avenir se joue à quelques mètres de là, de l'autre côté de la Seine. Mais les mineurs ont interdiction d'approcher de la Cour de cassation. Les journalistes aussi. Attention, sujet sensible.

Rien ne sera épargné à ces Gueules noires, parquées sur une place trop petite, encerclée de forces de l'ordre. C'est ainsi depuis 2013 et le lancement de leur procédure pour une reconnaissance de leur préjudice d'anxiété face à toutes les matières respirées, pas seulement l'amiante. Leur combat pour la reconnaissance de leurs maladies professionnelles - « pour qu'on arrête de nous prendre pour des bêtes envoyées à l'abattoir » - est plus ancien. Dans ce dossier, ils ont gagné devant les prud'hommes de Forbach. Et perdu en appel à Metz, « une décision inique », grince François Dosso. Les voilà devant la Cour de cassation, aux côtés de cheminots et de marins de la Société Nationale Corse-Méditerranée (SNCM). 800 dossiers, dont 732 pour les mineurs, ont été étudiés jeudi. Le délibéré sera rendu le 11 septembre.

Une décision du 5 avril dernier « nous ouvre une porte », espèrent les représentants de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) et de la Coordination des associations des victimes de l'amiante et de maladies professionnelles (Cavam). « Mais on attend. On tend le dos pour la suite... »

Des histoires de vie et de mort

.../.... « Les gars au fond ont été exposés à onze produits cancérogènes. Ceux d'en haut à neuf produits. Ceux qui ont bossé au fond et à la cokerie ont été exposés à vingt substances... C'est notre réalité. » .../... La réalité de François, c'est d'habiter dans une rue de Cocheren rebaptisée la rue des veuves. « On vit tous ensemble. Et on vit la maladie des uns et des autres. » Ils savent ce que c'est d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.

Depuis 2013, 41 anciens mineurs sont décédés. Sur les 786 qui ont lancé la procédure, plus de 200 bénéficient de la reconnaissance de leur maladie professionnelle. .../...

« Ce procès et la future décision sont extrêmement importants. C'est le procès des maladies invisibles. L'amiante, on connaît. Mais la silice, le benzène... Si la décision est favorable, les employeurs seront obligés de mettre en place des mesures de prévention car ils sauront qu'ils pourront être poursuivis. Vous imaginez ? C'est considérable. »

« Peut-être notre dernier combat » 

.../... Les anciens mineurs des Houillères du bassin de Lorraine concernés par la procédure devant la Cour de cassation n'ont pas tous pu venir à Paris. « Des collègues vivent avec des bonbonnes d'oxygène, c'était compliqué. » Certains le reconnaissent : « Ce qu'on fait ici, c'est peut-être notre dernier combat. » François Dosso (CFDT) le dit autrement : « Il n'y a pas de relève... »

Le marathon judiciaire en quelques dates 

  • Juin 2013 : 786 anciens mineurs de Moselle-Est, exempts de toute maladie professionnelle, engagent une procédure pour faire reconnaître leur anxiété en raison de leur exposition à un cocktail de produits cancérogènes au travail.
  • Juin 2016 : les Gueules noires obtiennent satisfaction au conseil de prud'hommes de Forbach. 1 000 € à titre de dommages et intérêts sont accordés à chaque mineur pour préjudice d'anxiété à la suite d'expositions au formol et à des poussières. Ce dédommagement paraît trop faible aux requérants qui réclamaient 30 000 € chacun en moyenne. Ils décident de faire appel.
  • Mai 2017 : en appel à Metz, c'est un revirement total. La cour, « tout en reconnaissant la pénibilité des conditions de travail dans les galeries de mines », refuse d'accorder des dommages et intérêts aux retraités des Houillères. « On ne baisse pas les bras. Nous allons en cassation. Les mineurs lorrains ne se cacheront pas pour mourir », avait réagi François Dosso, CFDT mineurs à Freyming-Merlebach.
  • Juin 2019 : il reste 732 anciens mineurs dans la procédure en cassation. Alors qu'ils étaient tous en bonne santé en 2013, 230 maladies professionnelles ont été reconnues dans leurs rangs depuis six ans« On se bat pour les mineurs qui ont donné leur vie ou leur santé pour relever le pays. Mais aussi pour les générations futures et tous les travailleurs exposés à des cancérogènes dans les usines, les bureaux etc. », explique François Dosso.