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Manurhin lâché par l'État (L'Alsace, DNA / JE. 14 Juin 2018)

Publié le 14/06/2018

À 12h tapantes, c'est à huis clos que le président du directoire de Manurhin, Rémy Thannberger, a annoncé aux salariés la mise en redressement judiciaire de l'entreprise. Face à lui, ils étaient une centaine. Dignes mais marqués par cette nouvelle qui n'a finalement pas surpris grand monde.


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Une heure plus tard, nombreux étaient revenus à leur poste. Bien évidemment, le coeur n'y était pas. « Moi, je suis surpris car on a toujours espoir que les choses s'arrangent », affirme Marjan, arrivé chez Manurhin en 1974. Assis derrière son bureau, il raconte avoir été licencié une première fois en 2003, avant de revenir en 2009. « La plupart des gens, ici, ont 40 ans de boîte. C'est un gâchis car on a des commandes mais pas d'argent pour les financer... Moi, à quelques mois de la retraite, je n'ai plus rien à perdre. Mais c'est pour les plus jeunes que je suis en colère », glisse l'ouvrier de 62 ans.

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« On prend l'eau depuis plusieurs années »

Le personnel de Manurhin maintient globalement sa confiance dans l'équipe de direction. À l'exception notable des adhérents de la CGT. « Je suis surprise de l'aveuglement de certains ! J'ai été la seule à ne pas soutenir aveuglément M. Thannberger », attaque Nathalie Zettel. La déléguée syndicale CGT promet de saisir le procureur de la République pour « entrave aux instances représentatives du personnel ». « Le principal responsable est M. Thannberger, qui nous a fait croire qu'il existait des repreneurs alors qu'il n'y en a jamais eu », accuse Nathalie Zettel.

Ce point de vue radical est fortement minoritaire, notamment au sein des instances représentatives du personnel. « Nous avons confiance dans M. Thannberger. Depuis qu'il est là, il n'y a jamais eu de plan social. Il s'est démené comme il a pu », affirme Adrien Deman.

Le délégué syndical CFDT est « surpris » car il avait « encore espoir ». « L'État nous a laissés tombé », lâche-t-il.

Un peu plus loin, Hervé Muth, secrétaire du comité d'entreprise depuis le 19 décembre dernier, rappelle les propos qu'avait tenus un conseiller du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, lors de sa visite à Mulhouse fin février : « Votre meilleure chance est le redressement judiciaire. » « Nous y voilà. Il y a donc quand même un homme politique qui tient parole ! », ironise Hervé Muth, à la fois « déçu, abattu et remonté ».

« On a l'impression que la messe est dite depuis longtemps. Depuis quelques années, Manurhin prend l'eau. Alors, on a écopé mais la fuite n'a jamais été réparée. Les pouvoirs publics nous ont lancé une bouée de sauvetage en venant au capital et puis après, ils sont partis. Nous avons trois options : mourir de faim, être bouffés par les requins ou qu'un chalutier passe par là et nous ramène ! Mais pourrons-nous accoster ? Nous avons maintenant quatre ou six semaines pour établir un plan de bataille », ajoute le secrétaire du comité d'entreprise. Un mot revient en boucle dans l'usine de la rue de Quimper depuis ce mercredi matin : gâchis !

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