
On a réfléchi à la crise, on est contre?! (SH / 01 Novembre 2024)
Secrétaire général de la CFDT Lorraine de 2006 à 2018, Alain Gatti revient sur les défis auxquels la CFDT a été confrontée dans ce territoire ouvrier et industriel particulièrement meurtri par les crises successives.

Pour bien comprendre l’impact considérable des mutations qu’a connues la Lorraine, il convient de démarrer avec quelques chiffres. En 1962, la sidérurgie comptait 90?689?ouvriers, contre 3?735 en 2018. Alors que 20?550?salariés œuvraient dans les mines de fer au début des années 1960, il n’était plus que 71 lorsque le dernier site encore en activité, celui de Montrouge à Audun-le-Tiche (57) a cessé sa production en 1997. Les «?gueules noires?» n’ont pas été épargnées non plus. Il semblait loin le temps où plus de 38?000?mineurs s’activaient dans les puits lorsque la dernière mine de charbon, celle du Creutzwald, a fermé ses portes en 2004. En quatre décennies, c’est 70?% de l’emploi industriel lorrain qui a été détruit.
Une évolution structurelle d’ampleur que la CFDT Lorraine a su anticiper. «?Avec une longueur d’avance, elle a mis en garde les politiques locaux contre le danger de tout miser sur le socle historique que sont la sidérurgie, les mines et le textile, et n’a eu de cesse d’appeler à la diversification de l’économie?», résume Alain Gatti, secrétaire général de la CFDT Lorraine de 2006 à 2018 et ancien membre du Bureau national confédéral.
Décrypter les signes précurseurs de la désindustrialisation
La convention générale État-sidérurgie de 1966 confirme la suppression de 15?000?postes sur cinq ans. En 1971, c’est au tour du groupe Wendel-Sidélor d’annoncer 10?650?suppressions d’emplois. En 1979, les deux hauts fourneaux de Longwy sont arrêtés, 1?200?salariés se retrouvent sur le carreau. «?Pendant toute cette période, les militants de la CFDT ont toujours gardé le même cap?: faire de la Lorraine un territoire où on peut vivre et travailler?», insiste Alain Gatti.
Le virage vers des industries nouvelles

Entre 2013 et 2017, la CFDT Lorraine porte et défend bec et ongles le Pacte Lorrain –?acquis du combat de Florange?– et son volet social, en particulier le comité tripartite (dont elle a obtenu la mise en place), qui prévoit de faire de la Lorraine le cœur d’une vallée européenne des matériaux et de l’énergie. Avec succès encore une fois, ce sont 906?projets fléchés «?reconquêtes industrielles?» qui sont financés, avec à la clé la création de 3?703?emplois et le maintien de 6?370?autres.
«?Il faut sortir les fourneaux de la tête des Lorrains?», déclarait en son temps Jacques Chérèque, militant emblématique de la CFDT Lorraine, ancien numéro?2 de la CFDT et père de François Chérèque. «?Il y a trente ans, quand j’ai évoqué la reconversion du bassin lorrain, j’ai été hué et insulté. Aujourd’hui, le Président rend hommage au travail que nous avons mené. Nous avons juste eu raison trop tôt.?»